William Chapman (1850-1917)Poète, lauréat de l’Académie française et officier d’Instruction publique de France.
Né à Saint-François de Beauce d'un père anglophone et d'une mère francophone, William Chapman poursuit un cours commercial au Collège de Lévis avant de s’inscrire en droit à l’université Laval. Il ne terminera jamais ses études. Il deviendra plutôt journaliste à La Patrie (1883-1884), puis à La Minerve (1884-1889). Il occupe ensuite plusieurs emplois. Pendant sept ans, il est fonctionnaire au ministère du Procureur général, puis devient vendeur d’assurances dans les Cantons de l’Est avant de s’établir à Ottawa, en 1898, afin d’y exploiter une librairie. À partir de 1902, il occupe un poste de traducteur au Sénat et délaisse son commerce. À deux reprises, il visitera la France où ses poèmes connaîtront un certain succès. L'œuvre poétique de Chapman appartient à l'esthétique romantique, dont il est l'un des plus fidèles représentants aux côtés de son ami et adversaire Louis Fréchette. Le succès de ce dernier le fascinera et le minera toujours. L'amour de la langue et un certain ton patriotique parcourent l'ensemble de son œuvre poétique.
En 1876, Chapman publie Les Québecquoises, un des premiers recueils de poésies du Canada français. Le poète y traite plus particulièrement trois thèmes que l’on retrouve dans Les Feuilles d’érable (1890), un des plus imposants recueils de poésies du XIXe siècle canadien-français : les thèmes patriotique et religieux et le sentiment de la nature. Il a aussi écrit plusieurs pièces de circonstance. Les recueils les plus populaires de Chapman sont publiés en France au début du XXe siècle. Ils décrivent un Nord canadien pittoresque peuplé de voyageurs, de trappeurs et de bûcherons.
William Chapman est mort à Ottawa en 1917.
La nuit d'hiver étend son aile diaphane
Sur l'immobilité morne de la savane
Qui regarde monter, dans le recueillement,
La lune, à l'horizon, comme un saint-sacrement.
L'azur du ciel est vif, et chaque étoile blonde
Brille à travers les fûts de la forêt profonde.
La rafale se tait, et les sapins glacés,
Comme des spectres blancs, penchent leurs fronts lassés
Sous le poids de la neige étincelant dans l'ombre.
La savane s'endort dans sa majesté sombre,
Pleine du saint émoi qui vient du firmament.
Dans l'espace nul bruit ne trouble, un seul moment,
Le transparent sommeil des gigantesques arbres
Dont les troncs sous le givre ont la pâleur des marbres.
Seul, le craquement sourd d'un bouleau qui se fend
Sous l'invincible effort du grand froid triomphant
Rompt d'instant en instant le solennel silence
Du désert qui poursuit sa rêverie immense.
Tout à coup, vers le nord, du vaste horizon pur
Une rose lueur émerge dans l'azur,
Et, fluide clavier dont les étranges touches
Battent de l'aile ainsi que des oiseaux farouches,
Eparpillant partout des diamants dans l'air,
Elle envahit le vague océan de l'éther.
Aussitôt ce clavier, zébré d'or et d'agate,
Se change en un rideau dont la blancheur éclate,
Dont les replis moelleux, aussi prompts que l'éclair,
Ondulent follement sur le firmament clair.
Quel est ce voile étrange, ou plutôt ce prodige ?
C'est le panorama que l'esprit du vertige
Déroule à l'infini de la mer et des cieux.
Sous le souffle effréné d'un vent mystérieux,
Dans un écroulement d'ombres et de lumières,
Le voile se déchire, et de larges rivières
De perles et d'onyx roulent dans le ciel bleu,
Et leurs flots, tout hachés de volutes de feu,
S'écrasent et, trouant les archipels d'opale,
Déferlent par-dessus une montagne pâle
De nuages pareils à des vaisseaux ancrés
Dans les immensités des golfes éthérés,
Et puis, rejaillissant sur des vapeurs compactes,
Inondent l'horizon de roses cataractes.
Le voile en un clin d'oeil se reforme plus beau,
Lové comme un serpent, flottant comme un drapeau.
Plus rapide cent fois qu'un jet pyrotechnique,
Il fait en pétillant un sabbat fantastique,
Et met en mouvement des milliers de soleils
A travers des brouillards transparents et vermeils
Comme cristallisés dans la plaine éthérée.
Quelquefois on dirait une écharpe nacrée
Qu'un groupe de houris secouerait en volant
Dans l'incommensurable espace étincelant ;
Tantôt on le prendrait pour le réseau de toiles
Que Prométhée étend pour saisir les étoiles,
Ou pour le tablier sans bornes dans lequel
Les anges vanneraient des roses sur le ciel.
Et la forêt regarde, enivrée, éblouie.
Se dérouler au loin cette scène inouïe ;
Et l'orignal, le mufle en avant, tout tremblant,
Les quatre pieds cloués sur un mamelon blanc,
L'oeil grand ouvert, au bord de la savane claire,
Fixe depuis longtemps l'auréole polaire
Poudroyant de ses feux le céleste plafond,
Et son extase fauve en deux larmes se fond.William Chapman, tiré de Les Aspirations (1904)
Références :
- L'ILE - William Chapman : http://www.litterature.org/recherche/ecrivains/chapman-william-973/
- Dictionnaire biographique du Canada - William Chapman : http://www.biographi.ca/fr/bio/chapman_william_14F.html
- Répertoire du patrimoine culturel du Québec - William Chapman : http://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/rpcq/detail.do?methode=consulter&id=14793&type=pge
- Les grands classiques - William Chapman : https://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/Poemes/william_chapman
- Short edition - William Chapman : https://short-edition.com/fr/classique/william-chapman
- Poésie française et mondiale - William Chapman : https://www.poemes.co/william-chapman.html
- Cultivons-nous - Poésie William Chapman : http://www.cultivonsnous.fr/c/poesie-william-chapman/
Oeuvres poétiques :
- Les Québecquoises (1876)
- Les feuilles d’érable (1890)
- LesAspirations : poésies canadiennes (1904)
- Les rayons du Nord : poésies canadiennes (1909)
- Les fleurs de givre : poésie (1912)
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