Nox Oculis


Introduction à l'archéoastronomie


Conférence tenue lors du XXIe Congrès de la Fédération des astronomes amateurs du Québec (Laval, Québec : 27 au 29 septembre 1996), 1er Colloque québécois sur l'archéoastronomie et l'histoire de l'astronomie


Sommaire


Introduction

Pourquoi étudier l'histoire de l'astronomie ou l'astronomie telle qu'elle était pratiquée par nos ancêtres ?

Quel intérêt peuvent nous apporter ces connaissances apparemment désuètes alors que nous disposons d'instruments perfectionnés qui nous permettent de voir l'univers comme jamais les Anciens n'ont pu l'imaginer ?

Pourquoi s'intéresser à des théories cosmologiques dépassées alors que nous possédons une compréhension très avancée du cosmos grâce aux progrès technologiques de l'exploration spatiale ?

Bien que nous disposons de tout un arsenal scientifique impressionnant -- des caméras CCD au télescope spatial, des ordinateurs aux observatoires de rayons gamma -- nous sommes cependant condamnés à méconnaître le ciel et à ignorer ses aspects les plus subtils si nous ne nous donnons pas la peine d'explorer son histoire. En effet, lorsque nous observons la voûte étoilée et que nous pointons nos télecopes vers les objets célestes qui s'y trouvent, il nous faut d'abord apprendre à reconnaître les constellations afin de nous repérer dans ce vaste chaos de ténèbres et de lumières. Ces constellations, et leurs étoiles aux noms exotiques, nous parviennent d'époques lointaines et appartiennent à des civilisations anciennes dont nous ignorons les croyances, lesquelles ont pourtant façonné ce cosmos, et dont nous sommes les héritiers.

C'est donc en théorie pour mieux comprendre l'objet même de notre passion que nous devrions étudier l'histoire de l'astronomie mais aussi, de manière plus prosaïque, pour mieux pratiquer notre hobby, en tant qu'astronomes amateurs ! La façon dont nos ancêtres pratiquaient l'astronomie ressemble par certains aspects à la manière par laquelle on s'initie tout naturellement à l'observation des astres.

En biologie, on observe que l'évolution embryologique d'un individu reproduit à plus simple échelle l'évolution de l'espèce. On dit alors que « l'ontogénie récapitule la phylogénie ». On pourrait en dire autant de l'étude de l'astronomie. L'astronome amateur qui se donne la peine d'étudier comment les Égyptiens observaient le retour des astres et déterminaient l'heure de leur lever et de leur coucher sera à même de mieux comprendre les mécanismes du calendrier, et la différence entre l'année solaire et l'année sidérale, par exemple. S’il examine les théories cosmologiques grecques, il pourra mieux saisir comment utiliser la géométrie pour calculer les parallaxes. S’il décide de se contruire un sextant ou un astrolabe, il aura alors l'occasion de maîtriser le calcul des éphémérides. L'étude de l'évolution des idées en astronomie nous permet plus facilement de passer des concepts de base aux théories plus complexes, en suivant leur aboutissement logique et leur vérification par des observations de plus en plus précises.

En bref, les connaissances des Anciens, appliquées à des problèmes modernes -- ou inversement, les connaissances contemporaines appliquées à déchiffer les propblèmes astronomiques des Anciens -- donnent aux astronomes amateurs des outils supplémentaires pour leur permettre de mieux comprendre les phénomènes astronomiques.


Définition

L'archéoastronomie est la science qui concerne la découverte et l'étude des croyances et des pratiques astronomiques des sociétés anciennes. C'est d'abord un outil pour comprendre les accomplissements intellectuels des cultures primitives, comme par exemple, les bâtisseurs des alignements mégalithiques ou les « roues médicinales » amérindiennes.

Ces découvertes archaéoastronomiques peuvent, bien entendu, être d'un grand intérêt pour les astronomes professionnels qui cherchent à documenter d'anciens événements célestes.

On parle également d'astroarchéologie, ou d'astronomie mégalithique, lorsqu'il s'agit de mesurer et d'interpréter la signification astronomique de structures architecturales d'origine préhistorique, tel que Stonehenge.

L'ethnoastronomie, quant à elle, est l'étude des croyances astronomiques et cosmologiques des peuples anciens, ainsi que la mythologie et le folklore rattachés aux phénomènes célestes dans les cultures anciennes ou modernes.

La base de la discipline de l'archéoastronomie repose sur l'hypothèse que les peuples anciens, même à un stade technologiquement ou intellectuellement primitif, se sont intéressés aux phénomènes célestes et ont tentés d'apporter des explications ou des significations particulières à ces phénomènes. Au cours de leur histoire, ces peuples se sont servis de leurs observations dans des rituels ou les ont incorporés dans des mythes afin de mettre sur pied des calendriers, ou d'anticiper les dates importantes d'activités saisonnières, par exemple, à des fins agricoles.

Les changements les plus évidents de la voute céleste sont évidemment les phases de la Lune (à l'origine des mois, qui forment la base de presque tous les calendriers), le mouvement annuel du Soleil, et le panorama changeant du ciel étoilé et de ses constellations, grâce auxquels il est possible d'établir la durée exacte de l'année.

Identifier les planètes et la nature de leurs mouvements cycliques se révèle une tâche plus complexe, comme, par exemple, établir la dynamique de l'orbite lunaire et le calendrier des éclipses.

Reconnaître les connaissances théoriques, enfouies dans les cérémonies et les mythes, et les pratiques astronomiques grâce à l'étude des instruments et des observatoires, permet de mesurer la complexité culturelle d'une société. On trouve ainsi des connaissances élaborées au ciel dans des sites d'observation anciens comme les alignements de pierre trouvés en Europe et les "roues médicinales" utilisés en Amérique, l'orientation des monuments comme les temples et pyramides égyptiennes, ou dans des écrits comme ceux que les Babyloniens et les Grecs nous ont laissés.

L'archéoastronomie est un champ d'études éminemment interdisciplinaire. En effet, elle requiert la collaboration d'archéologues, d'astronomes, d'historiens, d'ethnologues, ainsi que plusieurs autres spécialistes, car les traces qui nous restent de ces pratiques anciennes de l'astronomie requièrent souvent une analyse subtile pour arriver à une interprétation exacte.


Histoire

L'interprétation archaéoastronomique moderne a sans doute d'abord été appliquée au site de Stonehenge en Angleterre, dans le sud de l'Angleterre, en 1740 lorsque William Stukeley nota que l'axe principal du monument était orienté dans la direction du solstice d'été lors du lever du Soleil. Ces idées ont donné lieu à diverses controverses à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle quand Sir Joseph Norman Lockyer, Piazzi Smyth, et d'autres ont présentés des explications astronomiques ayant de plus vastes implications culturelles pour les cercles de pierre de la Grande-Bretagne ainsi que pour les monuments de l'Égypte aqncienne et pour certains temples grecs. Dans ces cas, des alignements vers divers corps célestes ont été trouvés et on a alors tenté de lier ces données aux calendriers de l'époque et aux religions astrales de l'Antiquité. Lockyer utilisa les données des alignements en conjontion avec les calculs de précession des équinoxes afin d'établir ou de confirmer les dates de construction de ces sites.

Notons qu’à la fa fin du 19e siècle, les théories de Max Müller (Contributions à la science de la mythologie, 1897) ont considérablement influencé l'évolution de l'archéoastronomie. En effet, ce spécialiste des langues antiques a donné naissance à une école férue de mythologie classique et de philologie, dans laquelle on prétendait que les peuplades primitives personifiaient les forces de la nature, et que les panthéons de divinités de la préhistoire et de l'Antiquité n'étaient qu'une interprétation obscurcie des phénomènes célestes. Cette école de la « mythologie solaire » soutenait que les diverses religions et mythes anciens provenaient d'une seule et même source, l'adoration de l'astre solaire. La théorie de la « diffusion solaire » a rapidement entrainé d'importantes dissensions entre les écoles orientalistes allemandes, soutenues par Max Müller et Alfred Jérémias notamment, et les écoles américaines, dirigées surtout par le folkloriste Andrew Lang. La controverse entourant cette discipline a contribué à en perdre la crédibilité et à éloigner les spécialistes de de type d'études astronomiques pour plus d'un demi-siècle. Depuis le début du 20e siècle jusqu'aux années 1960, la mention de références stellaires dans l'explication des mythes anciens étaient suspectes et provoquaient presque une astrophobie intellectuelle. Les progrès de l'archéoastronomie se sont alors surtout développés dans le milieu de l'archéologie.

Aujourd'hui, la discipline de l'archéoastronomie est poursuivie de façon plus vigoureuse en Europe, où les spécialistes ont démontrés qu'un niveau relativement élevé de connaissances astronomiques existait parmi les habitants de la Bretagne, dans l’ouest de la France, et des Iles britanniques, lors de l'âge du bronze. Toutefois, bien des controverses animent encore les discussions sur la précision des observations ainsi que la capacité de ces peuples à prédire les dates des éclipses.

L'archéoastronomie est fort importante pour l'étude des cultures précolombiennes. Les archéologues et les astronomes travaillent de concert pour interpréter la signification astronomique des sites aztèques, incas, mayas et olmèques. Les fouilles ont permis de déduire que l'astronomie jouait un rôle fondamental dans l'existence des Mayas. En effet, ils nous ont laissés des livres, appelés codex, comprenant des tables de positions planétaires fort exactes. De plus, leur calendrier atteste de l'importance attaché à la mesure du temps.

En Amérique du Nord, l'archéoastronomie a été appliqué à l'interpétation des alignements de pierre connus sous le noms de « roues médicinales » ou « medicine wheels ». Leur lien à la médecine passe en fait par les chamans, qui étaient tout à la fois le docteur/prêtre/astrologue des tribus amérindiennes. Malheureusement, la signification et l'utilisation de ces sites sont encore très mal connues, et bien que des alignements astronomiques ont été trouvés dans la plupart de ces structures, il est encore difficile d'identifier le type d'observations que l'on pouvait y faire. On sait que le lever du Soleil au soltice d'été devait jouer un rôle, ainsi que certaines étoiles importantes comme Aldébaran, Rigel et Sirius.

D'autres orientations astronomiques ont été décelées dans les cultures amérindiennes du centre des États-Unis, par exemple, chez les Anasazis du Nouveau-Mexique.

Il reste encore à étudier les croyances et les pratiques astronomiques des autres cultures. Les civilisations musulmanes, chinoises, japonaises et hindoues, entre autres, ont atteintes de hauts niveau de connaissances astronomiques, dont la découverte commence à peine. Les ethnoastronomes devront d'ailleurs se dépêcher pour étudier les croyances de certaines peuplades avant que celles-ci soient complètement acculturées.


Buts et méthodes

En quoi consiste la pratique de l'archéoastronomie ?

Les astronomes intéressés par ce genre d'études peuvent réaliser divers projets selon leur intérêt. Certains voudront aller sur le terrain et prendre des mesures concrêtes, d'autres construiront des instruments, tandis que d'autres encore resteront bien confortablement installés devant leur ordinateur. Mentionnons donc quelques activités que les astronomes peuvent réaliser dans le cadre de l'archéoastronomie :


Ressources informatiques et télématiques

Les logiciels

La reconstitution de phénomènes célestes est une des méthodes les plus intéressantes pour l'archéoastronomie. La capacité de simuler l'aspect du ciel à un momemt et à un lieu donné n'était à la portée aurefois que des grands planérariums. Mais aujourd'hui, l'informatique nous fournit des outils encore plus puissants et versatiles que ces dinosaures mécaniques.

Voici une liste de quelques logiciels utiles en archéoastronomie :

Notons que l'on peut trouver la plupart de ces logiciels sur l'Internet, soit sous forme de partagiciels, demos, ou de programmes en domaine public.


L'Internet

L'Internet nous offre par ailleurs une source inépuisable de toutes sortes de documents pour l'étude de l'archéoastronomie. En effet, on y trouve des le texte de documents d'époque, des photographies et des schémas d'instruments anciens, des logiciels utilitaires, des calendriers divers, des articles spécialisés, des bulletins de liaisons et des forums de discussions, des informations sur l'astronomie des peuples non-occidentaux, etc.

Voici quelques adresses Web parmi les plus intéressantes, tirées de la page des liens, que je vous suggère de visiter.


Les cédéroms

Les textes de l'Antiquité, utiles aux archéoastronomes désireux de déchiffrer la pensée des Anciens, sont disponibles dans des collections spécialisées. Totefois, on trouve également ces textes sur support électronique, notamment sur cédérom.


Conclusion

Pourquoi étudier l'archéoastronomie ?

Parce que l'astronome amateur peut également apporter une contribution originale au développement de la discipline. Les facteurs expliquant cette situation découlent de :

  1. la précision et la puissance des microordinateurs actuels qui permettent de simuler facilement le ciel des Anciens et de calculer les éphémérides appropriées, pour ensuite être confrontées aux sources écrites,
  2. la nature de ce domaine d'études, interdisciplinaire, qui nécessite la contribution des sciences dures (astronomie, mathématiques, géométrie, etc.) ainsi que les sciences humaines (histoire, ethnologie, mythologie, etc.),
  3. l'histoire de cette discipline, qui laissée en friche par les astronomes professionnels, laisse le champ libre aux amateurs de pouvoir y faire des découvertes intéressantes.

Bibliographie


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