Nox Oculis


John Donne (1572-1631)

Prêtre et poète anglais, chef de file des poètes métaphysiques.

Né à Londres de parents catholiques, il descendait de Thomas More. Ayant l'ambition de faire carrière dans les services de l'État, il commença des études de droit à Thavies Inn en 1591 et, avant ou après 1593, date à laquelle son frère cadet, Henry, mourut en prison pour avoir donné asile à un prêtre catholique, rallia l'Église anglicane. Ayant accompagné Essex à Cadix (1596) puis aux Açores (1597), il devint le secrétaire, très estimé, du garde des Sceaux Thomas Egerton (1598), mais n'en fut pas moins congédié par son protecteur (1601), pour avoir épousé en secret la nièce de celui-ci, Ann More. Destitué, un temps emprisonné, Donne partagea alors avec sa femme, qui lui donna douze enfants, quatorze années difficiles où se succédèrent en vain les œuvres de circonstance pour gagner la faveur de personnages influents. Sa participation à la propagande anglicane (Pseudo-Martyr, 1610), sa satire contre les Jésuites (Conclave d'Ignace, 1611) marquèrent le glas de ses ambitions profanes?; en signe de reconnaissance, Jacques Ier ne lui accorda l'accès qu'à une seule carrière : l'Église. Ordonné prêtre (1615), prédicateur à Lincoln's Inn (1616-1621), doyen de Saint-Paul (1621), Donne acquit, grâce à ses Sermons (160 recueillis), une fulgurante renommée. En 1617, le décès de sa femme accrut son obsession de la mort mais aussi sa ferveur religieuse. Il mourut en février 1631 après avoir prononcé devant Charles Ier sa dernière prédication, « le Duel de la mort ».

Composée pendant sa jeunesse mondaine, tumultueuse et riche en paradoxes, la majeure partie de l'œuvre poétique de Donne (Satires, 1595-1598 ; la Litanie, 1609 ; Élégies, Chants et sonnets, 1611 ; les Anniversaires, 1611-1612 ; le Nocturne, 1612 ; les Lamentations de Jérémie, 1631), suscita aussitôt l'étonnement et l'admiration de ses lecteurs par ses innovations formelles et thématiques. Métaphysique par excellence, la poésie de Donne cultive l'un des procédés fondamentaux de la poésie baroque, le conceit, qui, en rapprochant deux ordres de réalité, matière et esprit, humain et divin, visible et invisible, projette l'esprit dans un monde de l'immédiateté, temporelle et spatiale, où la distance s'abolit dans le mouvement, et où l'éternité devient concrète. Outil épistémologique pour Donne, le conceit témoigne de sa quête, insoutenable, d'une union de la matière et de la forme, de la chair et de l'esprit, mais aussi de sa hantise de la mort, souhaitée car elle relie enfin l'être à l'éternité, ou redoutée car elle le précipite dans le néant. De même, acharné à se connaître, Donne soumet sa propre personne à l'analyse : dans l'alternance de l'autodérision et de l'autosanctification, se lit la vérité. Innovant avec une absolue modernité, il substitue aux conventions pétrarquistes, aux règles métriques et à la scansion alors en vigueur, les tournures et les inflexions de la langue parlée, des sonorités rauques et une prosodie cahotante qui banalisent des thèmes graves. Prenant le contre-pied d'une tradition qui avait fini par éthérer l'amour, il célèbre l'amour charnel en disant les choses crûment, mais sans jamais exclure la dimension spirituelle de l'union des amants. Admiré de Coleridge, pour qui il est celui qui sut « tresser en lacs d'amour des tisonniers de fer », apprécié de Pope, Donne fut « redécouvert » au XXe siècle, notamment par Pound, Yeats et T.S. Eliot.

Tiré de : « Donne, John », Encyclopédie Microsoft® Encarta® 2000. © 1993-1999 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.


An Anatomy of the World : the First Anniversary (extraits)


Go and Catch a Falling Star


The Sun Rising


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