Nox Oculis


Kenneth Rexroth

Poète américain, critique et traducteur. Rexroth fut un anarchiste confirmé, d'abord socialiste puis syndicaliste.

Kenneth Rexroth est né le 22 décembre 1905 à South Bend, en Indiana.

Autodidacte, il apprit par lui-même plusieurs langues étrangères ; parmi ses traductions, on compte One Hundred Poems from the Japanese (1956) et The Orchid Boat : Women Poets of China (avec Ling Chung, 1973). C'est d'ailleurs un amateur de la grande poésie de la dynastie T'ang, et écrira de nombreux haiku. Il traduisit également de la poésie grecque et persane.

Mais il est surtout connu pour sa propre poésie : In What Hour (1940), The Phoenix and the Tortoise (1944), In Defense of the Earth (1956), et New Poems (1974). Il écrivit également une pièce en vers, Beyond the Mountains (1951), ainsi que plusieurs ouvrages d'essais.

Son apport fut crucial dans l'émergence des poètes Beat, mais il ne se considéra pas lui-même comme un membre de ce groupe, plus jeune que lui. Rexroth avait déjà initié son propre mouvement culturel, plus tôt, une « renaissance poétique » grandement médiatisée à San Francisco, qui contribua à promouvoir l'idée que cette ville californienne était la capitale culturelle de la Côte Ouest, un endroit où l'innovation littéraire était de mise.

Kenneth Rexroth est décédé le 6 juin 1982 à Montecito, en Californie.

Rexroth, pratique Eliot, Reverdy et les classiques, et célèbre l'inépuisable et splendide nature ; ses poèmes commencent souvent par une description élégiaque du ciel, auquel il parvient à associer tous les aspects de la condition humaine. « Rexroth réussit à étendre sur l'Ouest la mélancolie de ceux qui vinrent après Virgile et les dieux de l'Arcadie » Claude Michel Cluny.


Ce poème, rédigé au Japon, dans les dernières années de la vie de Rexroth, est gravé sur sa pierre tombale.

As the full moon rises

    As the full moon rises
    The swan sings
    In sleep
    On the lake of the mind.

    Kenneth Rexroth, 1976


Autre printemps

    Les saisons tournent et les années passent
    Ne demandant ni aide ni surveillance.
    La lune parcourt sans intention
    Son cycle pleine, montante, pleine à nouveau.

    L’astre blanc coule au coeur du fleuve ;
    L’air est traversé d’un parfum d’azalée ;
    Au profond de la nuit une pomme de pin se détache ;
    Notre feu de camp meurt entre les monts déserts.

    Les étoiles acérées dansent sous le feuillage frémissant ;
    Le lac est noir, insondable dans les ténèbres cristallines ;
    Haut dans le ciel, la cime diaphane d’un pic enneigé
    Sépare en deux la Couronne boréale.

    O coeur, coeur si curieusement
    Intransigeant et corruptible,
    Nous voici exultant sous les étoiles au bord du lac,
    Et ces instants qui ne devraient jamais finir

    S’écoulent à nos côtés indifférents comme l’eau.

    Kenneth Rexroth, 1941, traduit de l’américain par Joël Cornuault, L'automne en Californie (1994)


The Lights In The Sky Are Stars : A Sword In A Cloud Of Light

    Your hand in mine, we walk out
    To watch the Christmas Eve crowds
    On Fillmore Street, the Negro
    District. The night is thick with
    Frost. The people hurry, wreathed
    In their smoky breaths. Before
    The shop windows the children
    Jump up and down with spangled
    Eyes. Santa Clauses ring bells.
    Cars stall and honk. Street cars clang.
    Loud speakers on the lampposts
    Sing carols, on juke boxes
    In the bars Louis Armstrong
    Plays White Christmas. In the joints
    The girls strip and grind and bump
    To Jingle Bells. Overhead
    The neon signs scribble and
    Erase and scribble again
    Messages of avarice,
    Joy, fear, hygiene, and the proud
    Names of the middle classes.
    The moon beams like a pudding.
    We stop at the main corner
    And look up, diagonally
    Across, at the rising moon,
    And the solemn, orderly
    Vast winter constellations.
    You say, « There's Orion ! »
    The most beautiful object
    Either of us will ever
    Know in the world or in life
    Stands in the moonlit empty
    Heavens, over the swarming
    Men, women, and children, black
    And white, joyous and greedy,
    Evil and good, buyer and
    Seller, master and victim,
    Like some immense theorem,
    Which, if once solved would forever
    Solve the mystery and pain
    Under the bells and spangles.
    There he is, the man of the
    Night Before Christmas, spread out
    On the sky like a true god
    In whom it would only be
    Necessary to believe
    A little. I am fifty
    And you are five. It would do
    No good to say this and it
    May do no good to write it.
    Believe in Orion. Believe
    In the night, the moon, the crowded
    Earth. Believe in Christmas and
    Birthdays and Easter rabbits.
    Believe in all those fugitive
    Compounds of nature, all doomed
    To waste away and go out.
    Always be true to these things.
    They are all there is. Never
    Give up this savage religion
    For the blood-drenched civilized
    Abstractions of the rascals
    Who live by killing you and me.

    Kenneth Rexroth, "The Lights in the Sky are Stars", dans In Defense of the Earth (1956)


Les lumières dans le ciel sont des étoiles : Une épée dans un nuage de lumière

    Ta main dans la mienne, nous sortons
    Voir les foules de Noël
    Dans Fillmore Street, le quartier
    Noir. Une épaisse gelée recouvre
    La nuit. Les passants se pressent, enveloppés
    D’une écharpe de buée. Devant
    Les vitrines les enfants
    Sautillent, des paillettes
    Plein les yeux. Des pères Noël agitent des clochettes.
    Des voitures calent et cornent. Des tramways cliquèrent.
    Des haut-parleurs suspendus aux réverbères
    Diffusent des chants de Noël. Sur les juke boxes
    Dans les bars, Louis Armstrong
    Joue White Christmas. Dans les boîtes de nuit
    Les filles se déshabillent, se trémoussent et se cognent
    Au son de Jingle Bells. Au-dessus de nos têtes,
    Des enseignes au néon gribouillent et
    Effacent et gribouillent de nouveau
    Des messages qui vantent l’avarice,
    La joie, la peur, l’hygiène, et les noms
    Orgueilleux de la bourgeoisie.
    La lune rayonne comme une face de pudding.
    Au grand carrefour, nous nous arrêtons
    Pour regarder, sur la diagonale
    Opposée, la lune qui monte,
    Et les vastes constellations d’hiver,
    Solennelles et ordonnees.
    Tu t’écries : « Je vois Orion ! »
    Le plus bel objet
    Que toi et moi connaîtrons jamais
    Dans le monde et dans la vie
    Se tient dans les cieux déserts
    Éclairés de lune, au-dessus de la multitude
    D’hommes, de femmes et d’enfants, noirs
    Et blancs, joyeux et gloutons,
    Bons et mauvais, acheteurs
    Et vendeurs, maîtres et victimes,
    Quelque chose comme un immense théorème,
    Qui, s’il se trouvait un jour résolu,
    Résoudrait à tout jamais sous paillettes et clochettes
    Le mystère et la souffrance de vivre.
    Voici Orion, l’homme de la veille
    De Noël, déployé
    Dans le ciel comme un vrai dieu
    En qui il suffirait
    De croire un peu.
    J’ai cinquante ans
    Et toi cinq. Le dire
    Ne servirait à rien,
    Et l’écrire peut-être non plus.
    Tu dois croire en Orion. Croire
    En la nuit, la lune, la terre
    Couverte de gens. Croire en Noël, aux
    Anniversaires et aux oeufs de Pâques.
    Croire dans tous ces composés
    Éphémères de la nature, condamnés
    À la décomposition et au néant.
    Reste-leur toujours fidèle.
    Rien d’autre n’existe. N’échange
    Jamais cette religion sauvage
    Contre les abstractions civilisées
    Ruisselantes de sang des canailles
    Qui vivent de nous tuer, toi et moi.

    Kenneth Rexroth, 1956, traduit de l’américain par Joël Cornuault


The Lights in the Sky are Stars : The Great Nebula of Andromeda

    We get into camp after
    Dark, high on an open ridge
    Looking out over five thousand
    Feet of mountains and mile
    Beyond mile of valley and sea.
    In the star-filled dark we cook
    Our macaroni and eat
    By lantern light. Stars cluster
    Around our table like fireflies.
    After our supper we go straight
    To bed. The night is windy
    And clear. The moon is three days
    Short of full. We lie in bed
    And watch the stars and the turning
    Moon through our little telescope.
    Late at night the horses stumble
    Around the camp and I awake.
    I lie on my elbow watching
    Your beautiful sleeping face
    Like a jewel in the moonlight.
    If you are lucky and the
    Nations let you, you will live
    Far into the twenty-first
    Century. I pick up the glass
    And watch the Great Nebula
    Of Andromeda swim like
    A phosphorescent amoeba
    Slowly around the Pole. Far
    Away in distant cities
    Fat-hearted men are planning
    To murder you while you sleep.

    Kenneth Rexroth, "The Lights in the Sky are Stars", dans In Defense of the Earth (1956)


Les lumières dans le ciel sont des étoiles : La grande nébuleuse d’Andromède

    Nous atteignons le camp le soir
    Venu, sur une haute crête à découvert
    Dominant deux mille
    Mètres de montagnes et une immensité
    De vallées et de mer.
    Dans la nuit chargée d’étoiles nous cuisons
    Des macaronis et dînons
    À la lueur d’une lanterne. Des étoiles se massent
    Autour de la table comme des lucioles.
    Après le repas nous allons droit
    Nous coucher. La nuit est balayée de vent
    Et pure. Dans trois jours, ce sera
    La pleine lune. Allongés sur le lit
    Nous observons les étoiles et la lune
    Qui tourne dans notre petit télescope.
    Tard dans la nuit les chevaux qui bronchent
    Autour du camp me réveillent.
    Accoudé je regarde
    Ton beau visage endormi
    Joyau sous la clarté lunaire.
    Si la chance te sourit et que les
    Nations te le permettent, tu vivras
    Loin dans le XXIe Siècle. Je prends la lunette
    Pour regarder la grande nébuleuse
    D’Andromède nager comme
    Une amibe phosphorescente
    Autour du Pôle. Là-bas
    Dans des villes reculées
    Des hommes au coeur gras se préparent
    À t’assassiner pendant que tu dors.

    Kenneth Rexroth, 1956, traduit de l’américain par Joël Cornuault


The Lights in the Sky are Stars : Halley's Comet

    When in your middle years
    The great comet comes again
    Remember me, a child,
    Awake in the summer night,
    Standing in my crib and
    Watching that long-haired star
    So many years ago.
    Go out in the dark and see
    Its plume over water
    Dribbling on the liquid night,
    And think that life and glory
    Flickered on the rushing
    Bloodstream for me once, and for
    All who have gone before me,
    Vessels of the billion-year-long
    River that flows now in your veins.

    Kenneth Rexroth, "The Lights in the Sky are Stars", dans In Defense of the Earth (1956)


Les lumières dans le ciel sont des étoiles : La comète de Halley

    Lorsque, à mi-chemin de ta vie,
    La grande comète reviendra,
    Souviens-toi de moi, enfant,
    Éveillé par une nuit d’été,
    Dressé dans mon berceau et
    Regardant l’étoile à la longue chevelure
    Il y a tant d’années.
    Sors dans le noir et vois
    Son panache sur l’eau
    S’égoutter à travers la nuit liquide,
    Et pense que vie et gloire
    Vacillèrent jadis sur
    Mon sang rapide, le mien et celui de
    Tous ceux disparus avant moi,
    Vaisseaux sur le fleuve d’un milliard
    D’années qui traverse à présent tes veines.

    Kenneth Rexroth, 1956, traduit de l’américain par Joël Cornuault


The Lights in the Sky are Stars : The Heart of Herakles

    Lying under the stars
    In the summer night
    Late, while autumn
    Constellations climb the sky
    As the cluster of hercules
    falls down west
    i put the telescope by
    and watch deneb
    move towards the zeneth
    my body is asleep. Only
    My eyes and brain are awake
    The stars stand around me
    Like gold eyes. I can no longer
    Tell where i begin and leave off
    The faint breeze in the dark pines
    And the invisible grass
    The tipping earth, swarming stars
    Have and eye that sees itself

    Kenneth Rexroth, "The Lights in the Sky are Stars", dans In Defense of the Earth (1956)


The Homestead Called Damascus (extraits)

    Heaven is full of definite stars
    And crowded with modest angels, robed
    In tubular, neuter folds of pink and blue.
    Their feet tread doubtless on that utter
    Hollowness, with never a question
    Of the « ineluctable modality »
    Of the invisible ; busy, orderly,
    Content to ignore the coal pockets
    In the galaxy, dark nebulae,
    And black broken windows into space.
    Youthful minds may fret infinity,
    Moistly dishevelled, poking in odd
    Corners for unsampled vocations
    Of the spirit, while the flesh is strong.
    Experience sinks its roots in space --
    Euclidean, warped, or otherwise.
    The will constructs rhomboids, nonagons,
    And paragons in time to suit each taste.
    Or, if not the will, then circumstance.
    History demands satisfaction,
    And never lacks, with or without help
    From the subjects of its curious science.

    (...) The Lotophagi with their silly hands
    Haunt me in sleep, plucking at my sleeve ;
    Their gibbering laughter and blank eyes
    Hide on the edge of the mind’s vision
    In dusty subways and crowded streets.
    Late in August, asleep, Adonis
    Appeared to me, frenzied and bleeding
    And showed me, clutched in his hand, the plow
    That broke the dream of Persephone.
    The next day, regarding the scorched grass
    In the wilting park, I became aware
    That beneath me, beneath the gravel
    And the hurrying ants, and the loam
    And the subsoil, lay the glacial drift,
    The Miocene jungles, the reptiles
    Of the Jurassic, the cuttlefish
    Of the Devonian, Cambrian
    Worms, and the mysteries of the gneiss ;
    Their histories folded, docketed
    In darkness ; and deeper still the hot
    Black core of iron, and once again
    The inscrutable archaic rocks,
    And the long geologic ladder,
    And the living soil and the strange trees,
    And the tangled bodies of lovers
    Under the strange stars.
    And beside me,
    A mad old man, plucking at my sleeve (...)

    Kenneth Rexroth, 1920-1925/1957, tiré de The Homestead Called Damascus (1963)


Inversely, as the Square of Their Distances Apart

    It is impossible to see anything
    In this dark ; but I know this is me, Rexroth,
    Plunging through the night on a chilling planet.
    It is warm and busy in this vegetable
    Darkness where invisible deer feed quietly.
    The sky is warm and heavy, even the trees
    Over my head cannot be distinguished,
    But I know they are knobcone pines, that their cones
    Endure unopened on the branches, at last
    To grow imbedded in the wood, waiting for fire
    To open them and reseed the burned forest.
    And I am waiting, alone, in the mountains,
    In the forest, in the darkness, and the world
    Falls swiftly on its measured ellipse.

    It is warm tonight and very still.
    The stars are hazy and the river --
    Vague and monstrous under the fireflies --
    Is hardly audible, resonant
    And profound at the edge of hearing.
    I can just see your eyes and wet lips.
    Invisible, solemn, and fragrant,
    Your flesh opens to me in secret.
    We shall know no further enigma.
    After all the years there is nothing
    Stranger than this. We who know ourselves
    As one doubled thing, and move our limbs
    As deft implements of one fused lust,
    Are mysteries in each other’s arms.

    At the wood’s edge in the moonlight
    We dropped our clothes and stood naked,
    Swaying, shadow mottled, enclosed
    In each other and together
    Closed in the night. We did not hear
    The whip-poor-will, nor the aspen’s
    Whisper ; the owl flew silently
    Or cried out loud, we did not know.
    We could not hear beyond the heart.
    We could not see the moving dark
    And light, the stars that stood or moved,
    The stars that fell. Did they all fall
    We had not known. We were falling
    Like meteors, dark through black cold
    Toward each other, and then compact,
    Blazing through air into the earth.

    I lie alone in an alien
    Bed in a strange house and morning
    More cruel than any midnight
    Pours its brightness through the window --
    Cherry branches with the flowers
    Fading, and behind them the gold
    Stately baubles of the maple,
    And behind them the pure immense
    April sky and a white frayed cloud,
    And in and behind everything,
    The inescapable vacant
    Distance of loneliness.

    Kenneth Rexroth, 1944


En raison inverse du carré des distances

    Impossible de rien voir dans cette nuit ;
    Mais c’est bien moi, Rexroth,
    Qui plonge dans le noir sur une planète glaciale.
    Il fait bon et tout s’anime dans cette obscurité
    Végétale où des cerfs invisibles broutent en paix.
    Le ciel est chaud et lourd, je ne distingue
    Pas même la cime des arbres, là-haut.
    Je sais que ce sont des pins dont les fruits
    Restent fermés sur les branches, et finissent
    Par s’incruster dans le bois, jusqu’à ce qu’un feu
    Les délivre, régénérant la forêt incendiée.
    Et j’attends, seul, au coeur des montagnes,
    Dans la forêt, dans le noir, tandis que le monde
    Parcourt, rapide, son ellipse régulière.

    Il fait chaud ce soir, rien ne bouge.
    Les étoiles sont floues. Le fleuve --
    Indistinct et monstrueux sous les lucioles --
    Coule, à peine audible, d’un flot
    Résonnant et grave dans le lointain.
    Je devine tes yeux, tes lèvres humides.
    Invisible, majestueux, odorant,
    Ton corps s’ouvre à moi en secret.
    Voilà bien l’ultime énigme.
    Après tout ce temps, je ne sais rien
    De plus étrange. Nous qui nous connaissons comme
    Une chose une et double, dont les membres
    Sont les instruments habiles d’un seul plaisir,
    Nous restons des mystères dans les bras l’un de l’autre.

    À l’orée du bois sous la lune
    Debout entièrement nus,
    Vacillants, tachés d’ombre, enveloppés
    L’un par l’autre et tous deux
    Enserrés par la nuit. Nous n’entendions
    Ni l’engoulevent ni le soupir
    Du tremble ; le vol silencieux de la chouette
    Ou ses cris perçants ne nous parvenaient pas.
    Il n’y avait que le battement de nos coeurs.
    Nos yeux ne voyaient pas remuer la nuit
    Ni la lumière, les étoiles fixes ou mouvantes,
    Les étoiles filantes. Toutes seraient tombées,
    Nous ne l’aurions pas su. Nous tombions
    Comme des météores, sombres dans la nuit froide,
    L’un vers l’autre, et puis masse
    Embrasée à travers ciel heurtant la terre.

    Je suis couché seul sur un lit
    Étranger dans une maison inconnue et l’aube
    Plus cruelle qu’aucun minuit
    Jette ses brassées de lumière --
    Fleurs fanées au bout des branches
    De cerisier et, derrière l’or
    Des nobles chatons d’un érable,
    Et plus haut, immense, pur,
    Le ciel d’avril au nuage effiloché,
    Et au-dedans et au-delà de tout,
    L’inexorable étendue
    Déserte de la solitude.

    Kenneth Rexroth, 1944, traduit de l’américain par Joël Cornuault


La musique de luth

    La terre durera longtemps
    Avant son refroidissement final ;
    Des hommes l’habiteront ; prendront des noms,
    Se justifieront de leurs actes.
    Nous, nous aurons la forme
    De constituants chimiques --
    Mince consolation.
    Pour l’heure, nous sommes en vie,
    Corpuscules, ambitions, caresses,
    Le lot de ceux qui nous précédèrent,
    Tous les compagnons des neiges d’antan,
    « La joyeuse Hélène, la blanche Iopé et les autres »,
    Les morts agités, présents à notre souvenir.

    Aussi, en cette fin d’année, fête
    De la Nativité, accordons-nous l’offrande
    Des présents jadis acheminés vers l’Occident à travers les déserts --
    L’or de nos chevelures confondues,
    L’encens de nos bras et de nos jambes émerveillés,
    La myrrhe de nos baisers invincibles désespérés --
    Célébrons la renaissance
    Quotidienne de l’amour,
    La fluidité de nos êtres dans une épiphanie sans fin,
    Cependant que la terre sous nos pieds
    S’abîme dans des étés et des neiges inconnus,
    Traverse les espaces inexplorés des étoiles.

    Kenneth Rexroth, 1944, traduit de l’américain par Joël Cornuault


On What Planet

    Uniformly over the whole countryside
    The warm air flows imperceptibly seaward ;
    The autumn haze drifts in deep bands
    Over the pale water ;
    White egrets stand in the blue marshes ;
    Tamalpais, Diablo, St. Helena
    Float in the air.
    Climbing on the cliffs of Hunter's Hill
    We look out over fifty miles of sinuous
    Interpenetration of mountains and sea.

    Leading up a twisted chimney,
    Just as my eyes rise to the level
    Of a small cave, two white owls
    Fly out, silent, close to my face.
    They hover, confused in the sunlight,
    And disappear into the recesses of the cliff.

    All day I have been watching a new climber,
    A young girl with ash blond hair
    And gentle confident eyes.
    She climbs slowly, precisely,
    With unwasted grace.
    While I am coiling the ropes,
    Watching the spectacular sunset,
    She turns to me and says, quietly,
    "It must be very beautiful, the sunset,
    On Saturn, with the rings and all the moons."

    Kenneth Rexroth, 1940


Sur quelle planète

    L’air chaud qui recouvre uniformément la campagne,
    S’écoule imperceptiblement vers le large ;
    Les brumes d’automne circulent en épais rubans
    Au-dessus de l’eau pâle ;
    Il y a des égrettes blanches dans les marais bleus ;
    Le mont Tamalpais, le Diablo, le Saint-Helena
    Flottent dans l’air.
    Nous gravissons les falaises de Hunter’s Hill
    Qui surplombent sur plus de quatre-vingt kilomètres
    Une imbrication sinueuse de montagnes et de mer.

    J’escalade une cheminée en torsade,
    Et, alors que je lève les yeux vers
    Une petite grotte, deux hiboux blancs
    S’envolent, silencieusement, près de mon visage.
    Ils ondoient, gênés par le soleil,
    Avant de disparaître dans les replis de la falaise.

    Toute la journée j’ai observé une nouvelle grimpeuse,
    Jeune fille aux cheveux d’un blond de cendre,
    Au regard doux et confiant.
    Elle monte avec lenteur, précision,
    Et une grâce sans geste superflu.
    Tandis que j’enroule les cordes,
    Et admire le crépuscule impressionnant,
    Elle se tourne vers moi et dit, tranquillement,
    « Ce doit être une splendeur, le coucher de soleil,
    Sur Saturne, avec ses anneaux et toutes ses lunes. »

    Kenneth Rexroth, 1940


The Phoenix and the Tortoise (extraits)

    I am cold in my folded blanket,
    Huddled on the ground in the moonlight.

    The crickets cry in congealing frost ;
    Field mice run over my body ;
    The frost thickens and the night goes by.

    North of us lies the vindictive
    Foolish city asleep under its guns ;
    Its rodent ambitions washing out
    In sewage and unwholesome dreams.
    Behind the backs of drowsy sentries
    The moonlight shines through frosted glass --
    On the floors of innumerable
    Corridors the mystic symbols
    Of the bureaucrats are reversed --
    Mirrorwise, as Leonardo
    Kept the fever charts of one person.
    Two Ptahs, two Muhammad’s coffins,
    We float in the illimitable
    Surgery of moonlight, isolate
    From each other and the turning earth ;
    Motionless ; frost on our faces ;
    Eyes by turns alive, dark in the dark.

    The State is the organization
    Of the evil instincts of mankind.
    History is the penalty
    We pay for original sin.
    In the conflict of appetite
    And desire, the person finally
    Loses ; either the technology
    Of the choice of the lesser evil
    Overwhelms him ; or a universe
    Where the stars in their courses move
    To ends that justify their means
    Dissolves him in its elements.
    He cannot win, not on this table.
    The World, the Flesh, and the Devil --
    The Tempter offered Christ mastery
    Of the three master institutions,
    Godparents of all destruction --
    « Miracle, Mystery, and Authority » --
    The systematization of
    Appetitive choice to obtain
    Desire by accumulation.

    (...) What nexus gathers and dissolves here
    In the fortuitous unity
    Of revolving night and myself ?
    They say that history, defining
    Responsibility in terms
    Of the objective continuum,
    Limits, and at the same time creates,
    Its participants. They further say
    That rational existence is
    ssentially harmonic selection.
    Discarding « is, » the five terms
    Are equated, the argument closed.
    Cogito and Ergo and Sum play
    Leapfrog -- fact -- process -- process -- fact --
    Between my sleeping body and
    The galaxy what Homeric
    Heroes struggle for my arms ?

    (...) The vast onion of the actual :
    The universe, the galaxy,
    The solar system, and the earth,
    And life, and human life, and men’s
    Relationships, and men, and each man...
    History seeping from capsule
    To capsule, from periphery
    To center, and outward again...
    The sparkling quanta of events,
    The pulsing wave motion of value...

    (...) Would it have been better to have slept
    And dreamed, than to have watched night
    Pass and this slow moon sink? My wife sleeps
    And her dreams measure the hours
    As accurately as my
    Meditations in cold solitude.
    I have lain awake while the moon crossed,
    Dragging at the tangled ways
    Of the sea and the tangled, blood filled
    Veins of sleepers. I am not alone,
    Caught in the turning of the seasons.
    As the long beams of the setting moon
    Move against the breaking day,
    The suspended light pulsates
    Like floating snow. Involuntary,
    I may live on, sustained in the web
    Of accident, never forgetting
    This midnight moon that already blurs
    In memory.

    (...) The light grows stronger and my lids
    That were black turn red ; the blood turns
    To the coming sun. I sit up
    And look out over the bright quiet
    Sea and the blue and yellow cliffs
    And the pure white tatters of fog
    Dissolving on the black fir ridges.
    The world is immovable
    And immaculate. The argument
    Has come to an end; it is morning,
    And in the isolating morning
    The problem hangs suspended, lucid
    In a crystal cabinet of air
    And angels where only bird song wakes.

    (...) Nude, my feet in the cold shallows,
    The motion of the water surface
    Barely perceptible, and the sand
    Of the bottom in fine sharp ridges
    Under my toes, I wade out, waist deep
    And swim seaward down the narrow inlet.
    In the distance, beyond the sand bar,
    The combers are breaking, and nearer,
    Like a wave crest escaped and frozen,
    One white egret guards the harbor mouth.
    The immense stellar phenomenon
    Of dawn focuses in the egret
    And flows out, and focuses in me
    And flows infinitely away
    To touch the last galactic dust.

    This is the prime reality --
    Bird and man, the individual
    Discriminate, the self evalued
    Actual, the operation
    Of infinite, ordered potential.
    Birds, sand grains, and souls bleed into being ;
    The past reclaims its own, « I should have,
    I could have -- It might have been different -- »
    Sunsets on Saturn, desert roses,
    Corruptions of the will, quality --
    The determinable future, fall
    Into quantity, into the
    Irreparable past, history’s
    Cruel irresponsibility.
    This is the minimum negative
    Condition, the « Condition humaine, »
    The tragic loss of value into
    Barren novelty, the condition
    Of salvation ; out of this alone
    The person emerges as complete
    Responsible act -- this lost
    And that conserved -- the appalling
    Decision of the verb « to be. »
    Men drop dead in the ancient rubbish
    Of the Acropolis, scholars fall
    Into self-dug graves, Jews are smashed
    Like heroic vermin in the Polish winter.
    This is my fault, the horrible term
    Of weakness, evasion, indulgence,
    The total of my petty fault --
    No other man’s.

    And out of this
    Shall I reclaim beauty, peace of soul,
    The perfect gift of self-sacrifice,
    Myself as act, as immortal person ?

    I walk back along the sandspit,
    The horizon cuts the moon in half,
    And far out at sea a path of light,
    Violent and brilliant, reflected
    From high stratus clouds and then again
    On the moving sea, the invisible
    Sunrise spreads its light before the moon.

    My wife has been swimming in the breakers,
    She comes up the beach to meet me, nude,
    Sparkling with water, singing high and clear
    Against the surf. The sun crosses
    The hills and fills her hair, as it lights
    The moon and glorifies the sea
    And deep in the empty mountains melts
    The snow of Winter and the glaciers
    Of ten thousand thousand years.

    Kenneth Rexroth, 1940-1944, tiré de The Phoenix and the Tortoise (1944)


Requiem for the Spanish Dead

    The great geometrical winter constellations
    Lift up over the Sierra Nevada,
    I walk under the stars, my feet on the known round earth.
    My eyes following the lights of an airplane,
    Red and green, growling deep in to the Hyades.
    The note of the engine rises, shrill, faint,
    Finally inaudible, and the lights go out
    In the southeast haze beneath the feet of Orion.

    As the sound departs I am chilled and grow sick
    With the thought that has come over me. I see Spain
    Under the black windy sky, the snow stirring faintly,
    Glittering and moving over the pallid upland,
    And men waiting, clutched with cold and huddled together,
    As an unknown plane goes over them. It flies southeast
    Into the haze above the lines of the enemy,
    Sparks appear near the horizon under it.
    After they have gone out the earth quivers
    And the sound comes faintly. The men relax for a moment
    And grow tense again as their own thoughts return to them.

    I see the unwritten books, the unrecorded experiments,
    The unpainted pictures, the interrupted lives,
    Lowered into the graves with red flags over them.
    I see the quick gray brains broken and clotted with blood,
    Lowered each in its own darkness, useless in the earth.
    Alone on a hilltop in San Francisco suddenly
    I am caught in a nightmare, the dead flesh
    Mounting over half the world presses against me.

    Then quietly at first and then rich and full-bodied,
    I hear the voice of a young woman singing.
    The emigrants on the corner are holding
    A wake for their oldest child, a driverless truck
    Broke away on the steep hill and killed him,
    Voice after voice adds itself to the singing.
    Orion moves westward across the meridian,
    Rigel, Bellatrix, Betelgeuse, marching in order,
    The great nebula glimmering in his loins.

    Kenneth Rexroth, 1937, tiré de In What Hour (1940)


Requiem pour les morts d'Espagne

    Les vastes constellations géométriques d’hiver
    Se lèvent au-dessus de la Sierra Nevada,
    Je marche sous les étoiles, les pieds sur la courbure connue de la terre.
    Je suis des yeux les clignotants d’un avion,
    Rouges et verts, qui s’enfonce grondant vers les Hyades.
    La note des moteurs monte, aiguë, faible,
    Inaudible enfin, puis les lumières se perdent
    Dans la brume au sud-est, aux pieds d’Orion.

    Comme le bruit s’éloigne, le froid me saisit et la pensée
    Qui s’empare de moi me soulève le coeur. Je vois l’Espagne
    Sous le ciel noir battu de vent, la neige qui tournoie légèrement,
    Scintille et se déplace au-dessus des terres blafardes,
    Et des hommes qui attendent, transis, blottis les uns contre les autres,
    Un avion inconnu passant au-dessus de leurs têtes. L’appareil
    Dans la brume survole les lignes ennemies vers le sud-est,
    Des étincelles sous sa carlingue près de l’horizon.
    Quand elles s’effacent la terre frissonne
    Et le ronronnement faiblit. Les hommes se détendent un instant
    Et redeviennent nerveux dès qu’ils se reprennent à penser.

    Je vois les livres avortés, les expériences abandonnées,
    Les tableaux arrêtés, les vies interrompues,
    Que l’on descend dans les fosses recouvertes du drapeau rouge.
    Je vois les cerveaux gris, vifs, brisés et maculés de sang,
    Que l’on descend chacun dans son obscurité, inutiles sous la terre.
    Seul sur une colline de San Francisco, un cauchemar
    Tout à coup m’envahit et des cadavres
    Surgis de l’autre côté du monde se pressent contre moi.

    Alors, doux au début, riche et puissant ensuite,
    J’entends le chant d’une jeune femme.
    Les émigrants du coin de la rue veillent
    Le corps de leur fils aîné, renversé par un camion sans chauffeur
    Qui a dévalé la côte et l’a tué sur le coup.
    Les voix l’une après l’autre se joignent au chant.
    Orion traverse le méridien vers l’ouest,
    Rigel, Bellatrix, Bételgeuse, défilent en ordre,
    La grande nébuleuse miroite dans ses reins.

    Kenneth Rexroth, 1937, tiré de In What Hour (1940)


The Silver Swan (extraits)

    An hour before sunrise,
    The moon low in the East,
    Soon it will pass the sun.
    The Morning Star hangs like a
    Lamp, beside the crescent,
    Above the greying horizon.
    The air warm, perfumed,
    An unseasonably warm,
    Rainy Autumn, nevertheless
    The leaves turn color, contour
    By contour down the mountains.
    I watch the wavering,
    Coiling of the smoke of a
    Stick of temple incense in
    The rays of my reading lamp.
    Moonlight appears on my wall
    As though I raised it by
    Incantation. I go out
    Into the wooded garden
    And walk, nude, except for my
    Sandals, through light and dark banded
    Like a field of sleeping tigers.
    Our raccoons watch me from the
    Walnut tree, the opossums
    Glide out of sight under the
    Woodpile. My dog Ch’ing is asleep.
    So is the cat. I am alone
    In the stillness before the
    First birds wake. The night creatures
    Have all gone to sleep. Blackness
    Looms at the end of the garden,
    An impenetrable cube.
    A ray of the Morning Star
    Pierces a shaft of moon-filled mist.
    A naked girl takes form
    And comes toward me -— translucent,
    Her body made of infinite
    Whirling points of light, each one
    A galaxy, like clouds of
    Fireflies beyond numbering.
    Through them, star and moon
    Still glisten faintly. She comes
    To me on imperceptibly
    Drifting air, and touches me
    On the shoulder with a hand
    Softer than silk. She says
    « Lover, do you know what Heart
    You have possessed ? »
    Before I can answer, her
    Body flows into mine, each
    Corpuscle of light merges
    With a corpuscle of blood or flesh.
    As we become one the world
    Vanishes. My self vanishes.
    I am dispossessed, only
    An abyss without limits.
    Only dark oblivion
    Of sense and mind in an
    Illimitable Void.
    Infinitely away burns
    A minute red point to which
    I move or which moves to me.
    Time fades away. Motion is
    Not motion. Space becomes Void.
    A ruby fire fills all being.
    It opens, not like a gate,
    Like hands in prayer that unclasp
    And close around me.
    Then nothing. All senses ceased.
    No awareness, nothing,
    Only another kind of knowing
    Of an all encompassing
    Love that has consumed all being.
    Time has had a stop.
    Space is gone.
    Grasping and consequence
    Never existed. The aeons have fallen away.

    Suddenly I am standing
    In my garden, nude, bathed in
    The hot brilliance of the new
    Risen sun — star and crescent gone into light.

    Kenneth Rexroth, tiré de The Silver Swan : Poems Written in Kyoto, 1974-75 (1976)


Yin and Yang

    It is spring once more in the Coast Range
    Warm, perfumed, under the Easter moon.
    The flowers are back in their places.
    The birds are back in their usual trees.
    The winter stars set in the ocean.
    The summer stars rise from the mountains.
    The air is filled with atoms of quicksilver.
    Resurrection envelops the earth.
    Goemetrical, blazing, deathless,
    Animals and men march through heaven,
    Pacing their secret ceremony.
    The Lion gives the moon to the Virgin.
    She stands at the crossroads of heaven,
    Holding the full moon in her right hand,
    A glittering wheat ear in her left.
    The climax of the rite of rebirth
    Has ascended from the underworld
    Is proclaimed in light from the zenith.
    In the underworld the sun swims
    Between the fish called Yes and No.

    Kenneth Rexroth


Yin et Yang

    Le printemps est de retour sur la Côte Rocheuse,
    Chaud, parfumé, sous la lune de Pâques.
    Les fleurs ont repris leur place.
    Les oiseaux ont retrouvé leurs arbres.
    Les étoiles d’hiver se couchent dans l’océan.
    Les étoiles d’été se lèvent des montagnes.
    L’air fourmille d’atomes de vif-argent.
    La résurrection enveloppe la terre.
    Géométriques, resplendissants, immortels,
    Hommes et animaux défilent à travers le ciel
    Menant leur cérémonie mystérieuse.
    Le Lion donne la lune à la Vierge.
    Celle-ci se tient au carrefour du ciel,
    La pleine lune dans sa main droite,
    Dans la gauche, un épi de blé scintillant.
    Le rite de renaissance atteint son apogée
    Il resurgit du monde d’en bas
    Proclamé dans la lumière du zénith.
    Dans le monde d’en bas le soleil nage
    Entre les poissons nommés Oui et Non.

    Kenneth Rexroth, 1965, traduit de l’américain par Joël Cornuault


You Are Like The Moon Except

    You are like the moon except
    For your dark hair. You are like
    Venus, except for your lips,
    Crimson and perfumed, and like
    The sun except that you are
    Most splendid naked, at night.

    Kenneth Rexroth, traduit du perse, Sacramental Acts : The Love Poems of Kenneth Rexroth (1997)


Références :


Bibliographie :


Oeuvres poétiques :


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