Nox Oculis


Portraits d'astronomes québécois


Le Frere Robert

Le Frère Robert
(Étienne Poitras)
des Frères des écoles chrétiennes

1887 - 9 août 1957




Hommage d'un admirateur

M. Jean Asselin, président du Centre français de la Société d’Astronomie, à Montréal, nous rappelle quelques traits du caractère de ce frère des écoles chrétiennes, décédé le 9 août 1957 :

« Le Frère Robert était venu à l’astronomie par le chemin des mathématiques et de la physique. Son enthousiasme communicatif avait suscité la fondation de notre groupement d’astronomes amateurs (et d’amateurs d’astronomie) et pendant plusieurs années, il avait agrémenté nos réunions de ses causeries aussi spirituelles que fortement documentées. »

« Car le Frère Robert était un humoriste de classe, et il s’amusait volontiers à relever chez les écrivains -- et surtout chez les poètes -- les accrocs à la plus élémentaire astronomie. Au fond, ce n’était que prétexte pour mettre en relief quelques aspects de cette science. »

« S’il n’a pas réussi à populariser largement l’astronomie, poursuit M. Asselin, du moins a-t-il formé des générations d’élèves qui, devenus des citoyens de grande intégrité dans leur profession, ont rarement cessé de porter intérêt à la science. »

« Il a fait bien des démarches pour que l’Université de Montréal ait son observatoire. Les démarches se portèrent, en 1957, vers l’administration municipale: on peut encore espérer, puisque la construction d’un observatoire est prévue, paraît-il dans le plan du Centre sportif. L’astronomie, un sport ? »

(D’après un article dans La Presse du 29 août 1957, signé Roland Prévost).



Sa vie et son oeuvre

Mémoire prodigieuse : Marius Barbeau, folkloriste et ethnologue, a recueilli de la bouche du Frère Robert, cent quatre chansons (104) héritées de nos ancêtres, et chantées dans Québec vers 1895-1900. On conserve le manuscrit au Musée national. Il connaissait par coeur des oeuvres poétiques ou dramatiques entières, soit en anglais, soit en français. Sa mémoire phénoménale lui servait pour quantité d’opérations dans la sphère des mathématiques et des sciences physiques.

Formation universitaire : Il fut le premier licencié en mathématiques de la jeune Faculté des sciences de l’Université de Montréal.

Mathématicien vertigineux et professeur : À dix-neuf ans, il plongeait dans la géométrie analytique de Wentworth dont il solutionna tous les problèmes. Il donnait des cours de trigonométrie à des confrères moins avançés dans ce domaine. Par ailleurs, il se dévouera aux étudiants du Mont-Saint-Louis pendant quarante-huit ans, de 1908 à 1957. Il fut même directeur de cette institution de 1935 à 1938. Au cours de ces années, il sera appelé à dispenser à l’Université de Montréal des cours du MPCN (mathématiques, physique, chimie, sciences naturelles) qu’il reprit dès son retour d’Europe en 1939.

Voyage et activités en Europe : En 1939, de passage en France, il alla saluer des astronomes qu’il avait personnellement connus au Canada. À Meudon, il trouva M. Lyot et M. et Mme Azambuja. À l’observatoire de Paris, il espérait rencontrer M. Baillaud, qu’il ne put rejoindre qu’au Pic du Midi.

Il se dirigea alors vers la Belgique. À Louvain, il voit l’abbé Lemaître, théoricien de l’univers en expansion. L’abbé lui permit l’usage de la bibliothèque, dont l’accès était normalement réservé aux seuls professeurs de l’Université. À Namur, les Frères des écoles chrétiennes l’invitèrent à composer un nouveau manuel sur l’astronomie ; il en résultera : Regards sur l’Univers. Il mit cinq semaines pour la composition de cet ouvrage, au rythme de 16, 18, 22 pages par jour. L’ouvrage sera imprimé à Montréal en 1948.

Il se tourna ensuite vers l’Université de Lille. Là, c’est le chanoine Delépine, recteur de la Faculté catholique, qui l’accueillit et lui recommanda de voir M. Galisset, de l’Université d’État de Lille. Frère Robert souhaitait entreprendre un doctorat. Le sujet de sa recherche fut : Le soleil étoile variable ? La constante solaire et les observations de C.G. Abbott. De son étude, il tire cette conclusion franche et drue : « Si mon travail contient quelque vérité, les travaux d’Abbott sur la constante solaire, et les périodes du soleil que ce brave savant découvre de jour en jour, ne valent rien du tout. »

Le 25 mai 1939, il porte le manuscrit à l’imprimerie. Il avait mis quatre mois seulement à rédiger cette recherche consciencieuse. La soutenance a lieu le 24 juin 1939 ; on lui fit accorder le titre de "Docteur en sciences physiques, avec la mention la plus honorable."

Au mois de mars précédent, il avait prononcé à Lille, devant les membres de l’assosication astronomique du Nord, une conférence intitulée: « L’Astronomie vue à travers les oeuvres de nos grands écrivains. »

Il eut l’occasion de rentrer au Canada le 17 août 1939, avant que la guerre n’embrase l’Europe.



La passion des astres

L’astronome qui se développa en Frère Robert, commença par la cosmographie. Au Mont-Saint-Louis, il disposait de lunettes astronomiques. Il observa donc le ciel et le fit admirer à ses élèves, même si, porté à trop de modestie, il se disait "astronome en chambre". Il étudia tous les aspects de l'astronomie, aucune question ne fut négligée : des raies spectrales aux rayons cosmiques, de la désintégration des astres à l’expansion de l’univers.

Il a composé une Astronomie élémentaire qu'il destine à ses élèves et au public préparé. On le considéra, à l’époque, comme l’un des meilleurs ouvrages de vulgarisation parus au Canada. Jules Baillaud, astronome titulaire de l’Observatoire de Paris donne ce commentaire : « Nous n’avons véritablement rien qui puisse se comparer, et de très loin, à votre astronomie » (Ginat, Le Havre, 20,10,33).

« Votre ouvrage vient à son heure si j’en juge par l’intérêt que les physiciens et les mathématiciens français ont pris à l’analyse de votre livre. C’est la première fois à ma connaissance qu’une analyse (recension) de L’Enseignement scientifique, déclenche un pareil mouvement d’opinion, symptôme évident d’intérêt : le tout à votre honneur » (Ginat, Le Havre, 22,1, 33).

Dès lors, un poste radiophonique diffusa ses causeries dialoguées sur l’astronomie élémentaire. Puis le journal La Patrie, sollicita sa collaboration régulière pour l’édition dominicale tirée à 200 000 exemplaires. « Connaissant la compétence en astronomie du f. R, nous fîmes des démarches auprès de lui pour l’engager à écrire des articles. Il nous fallut insister plusieurs fois, [...] il consentit à écrire dans notre journal des lecons d’astronomie sous la rubrique attachante : LES CIEUX RACONTENT LA GLOIRE DE DIEU, chronique hebdomaire très goûtée qui s’étala sur quelques années. »

Les autorités universitaires avaient aussi songé à retenir les services de sa vaste culture. Arthur Léveillé, doyen de la Faculté des sciences, le contacte : « Mgr Gauthier a approuvé au mois de juin 1940 votre nomination comme "chargé de cours en astronomie", série de conférences qui pourraient se donner entre la mi-janvier et Pâques ». Mais Frère Robert ne voulut pas s’engager.

En compensation, il organise des cours publics et s’intéresse à un groupe d’astronomes qui le consultent, et jette ainsi les bases de la Société d’Astronomie de Montréal, section francophone.

Il reçevait les contributions scientifiques des observatoires nationaux : Ottawa, Victoria, Mont Wilson, Mont Palomar, France, Belgique, Angleterre, etc.



Anecdotes significatives

Lors du passage de la comète 1956-H, les journalistes se présentèrentt à Université pour parler aux spécialises les mieux aptes à les renseigner . On leur conseille alors d’aller voir Frère Robert. Malheureusement c’était l’époque où la maladie l’avait terrassé et, quelques mois plus tard, il était sur le point de s’éteindre, à l’infirmerie du Mont-de-La-Salle (Laval-des-Rapides). Sa mort survint le 9 août 1957.

Facilité de calcul : Il avait l’intuition mathématique. L’actuariat n’avait pas de secrets pour lui. Il se délectait autant dans un traité de Poincaré ou d’Hadamard que dans une oeuvre de Bernanos ou la prose grandiloquente de Bossuet. Sa collaboration gratuite permit à un des premiers responsables des opérations financières de la métropole de garder son poste. Devant un problème d’actuariat compliqué, le brave actuaire annonçait à ses collègues: « Je vous coucherai la solution par écrit ce soir; vous l’aurez demain ». Et il allait voir Frère Robert pour lui faire les calculs et obtenir la réponse.

Biographie : En 1953, Soeur Marie-Agénor, fille de la Charité du Sacré-Coeur a établi une Notice bio-bliographique du Révérend Frère Magloire-Robert, é.c..



Bibliographie

La Société d’Astronomie de Montréal (SAM), conserve en bibliothèque, parmi les grands ouvrages de spécialisation, les livres du Frère Robert : Astronomie élémentaire (1931), Précis d’astronomie élémentaire (1934), Regards sur l’univers (1948), Les Astres et les Lettres (1950), en deux tomes. Le mérite premier du Frère Robert est de rendre l’astronomie accessible à tout débutant dans cette science, et de communiquer la science dans un langage qui frise l’expression littéraire ou poétique fort agréable. Le critique Claude-Henri Grignon disait de son style : « il est simple et clair comme un beau clair de lune bleu ».



© 1999, texte de F. Gilles Beaudet


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