La Lune avant le télescope
Considérations générales
Depuis des époques très reculées et pendant de nombreux siècles, l’observation du mouvement de la Lune dans le ciel a constitué la principale occupation des astronomes car c’est l’astre le plus proche de la Terre, le plus visible (en dehors de l’aveuglant disque solaire qui ne se prête pas à l’observation en dehors de l’ombre d’un gnomon), et dont les mouvements cycliques sont les plus faciles à analyser.
À l’origine, les motivations de ces observations étaient plus utilitaires que scientifiques; par exemple, pour l’établissement d’un calendrier régissant les activités agricoles ou pour établir des tables précises des positions de la Lune dans le cadre de la navigation maritime.
Les principales perturbations du mouvement lunaire étaient connues des Anciens, bien avant l’apparition du télescope. Par exemple, le phénomène d’évection était connu de Ptolémée. La Lune servira d’étalon dans la détermination de plusieurs constantes astronomiques (distances des corps planétaires à la Terre, dimensions respectives de ces astres), grâce notamment aux méthodes géométriques des Grecs.
Le calendrier semi-lunaire est dans presque toutes les cultures anciennes le premier type de calendrier utilisé.
L’observation de la Lune par les Grecs, dont certains croient qu’elle est un astre similaire à la Terre, donne naissance à l’idée de la pluralité des mondes habités.
La préhistoire
Pour déceler l’ordre inhérent à la Nature, l’homme préhistorique a observé les rythmes cycliques qui gouvernaient les saisons et les transhumances des grands troupeaux sauvages.
Le premier de ces cycles est l’alternance du jour et de la nuit, qui conduit à la mesure du temps et des jours. Pourtant, l’astre du jour est trop brillant pour l’observation, et les étoiles ne sont que des points de lumière. Par contre, la Lune est un astre tout aussi large que le Soleil mais à la lumière plus douce, que l’on peut regarder sans peine, et qui change de forme selon un cycle régulier. Le période entre deux Nouvelle Lune est suffisamment courte pour être facilement décelée, suffisamment longue pour développer l’exercice de l’arithmétique, et nécessiter l’emploi de nombres, ainsi que d’un matériau pour effectuer les calculs.
Les phases de la Lune ont ainsi permis de recenser les jours et de mesurer les longues périodes, constituant la base des premiers calendriers. Toutes les grandes civilisations (Mésopotamie, Égypte, Inde, Chine, Maya) ont adoptées à l’origine un calendrier lunaire ou semi-lunaire. Le mois a constitué la base pour la détermination d’une année solaire (12 mois formant approximativement une année). Il n’est donc pas surprenant que les premiers efforts de l’homme pour comprendre l’univers se soit concentré sur la Lune. Et que l’étude de celle-ci aie développé les mathématiques et l’astronomie comme premières sciences.
Les traces du premier calendrier lunaire remontent à plus de 10 000 ans. En effet, on a découvert à Gontzi, en Ukraine, un os d’ivoire taillé dans une défense de mammouth, sur lequel se trouvent des encoches qui, très probablement, signalent le passage de quatre lunaisons. Dans la séquence du mois 2, on voit 28 marques désignant les nuits où la Lune est visible et deux marques pour les nuits où les phases sont invisibles, lors de la Nouvelle Lune.
Datant de 7 000 avant notre ère, une peinture rupestre se trouvant dans la caverne de l’Abris de las Vinas en Espagne, montre une figure entouré par un ensenmble de taches, qui pourrait être également un calendrier lunaire. Les taches sont peintes en groupes de sept, et semblent indiquer les quatre phases des quartiers lunaires. Un groupe de trois points marquent les trois nuits où la Lune est pleine.
Dans une autre caverne peu distante, l’abri de Canchal de Mahoma, on trouve une autre peinture rupestre datant de la même époque. Cette peinture contient 27 taches qui va d’un croissant à un tache ronde jusqu’à un autre croissant inversé, entourant une figure ou un symbole pour la Terre. C’est indiscutablement la première tentative pour décrire les phases lunaires et rendre compte comprendre le mouvement de la Lune.
Les éclipses lunaires étant un phénomène fréquent et observable partout, qui devait en plus avoir un impact important sur les esprits primitifs, les hommes de la préhistoire ont donc étudié ce phénomène et essayer de le prédire. Les alignements de pierre, ou mégalithes, que l’on retrouve en Europe, et notamment en Grande-Bretagne, à l’époque du Néolithique et à l’âge du bronze (vers le 4e et 3e millénaire avant notre ère) témoignent d’une certaine connaissance des cieux, basée sur les phénomènes astronomiques visibles à l’horizon des lieux d’observation.
Selon l’astronome britannique Alexander Thom, un grand nombre de monuments mégalithiques auraient servi à l’observation des phases et des mouvements de la Lune. À chaque mois, les limites de lever et de coucher à l’horizon varie entre le Nord et le Sud. Mais les effets gravitationnels de la terre induisent un cycle de 18,61 ans sur l’orbite de la Lune (la révolution de la ligne des noeuds). Durant cette période, la déclinaison de la Lune change entre un maximum de variation («major standstill») à un minimum de variation («minor standstill»). Des alignements suggèrent l’utilisation de ces points de référence pour situer les Pleine Lunes dans ce cycle et prédire ainsi la répétition des éclipses.
Un certain nombre d’alignements et de mégalithes ont été identifiés avec certitude comme de véritables observatoires lunaires, suffisamment précis pour discerner la principale perturbation semiannuelle du Soleil sur l’orbite lunaire. En Écosse, il s’agit des pierres de Kildarin, près du cercle de pierres du Temple de Bois, ainsi que de la pierre Ballinaby à Islay. Notons aussi les alignements de Carnac en Bretagne (France), qui auraient fait partie d’un immense observatoire destiné à viser les levers et les couchers du Soleil et de la Lune, ainsi que les déclinaisons minimums et maximums de la Lune (qui ne coincident pas nécessairement avec les levers et les couchers). Des alignement en Écosse (Îles Hébrides) et à Callanish, sur l’île de Lewis, montre des marqueurs indiquant la limite de la Pleine Lune la plus au sud. Le tumulus de Gavrinis, en France (vers 3500 avant notre ère), montre une entrée alignée sur le lever le plus sud de la Pleine Lune.
En Angleterre et en Bretagne, où ces alignements ont été étudiés en détails, plusieurs types ont été distingués. Dans le cas le plus simple, celui de la pierre verticale, ou menhir, celle-ci possède une face plate orientée vers une colline ou un horizon distant, marquant un lever ou un coucher extrême au nord ou au sud du Soleil ou de la Lune. Si l’horizon est suffisamment éloigné (environ une trentaine de km), la direction du phénomène astronomique et la date de son occurrence permet de déterminer avec une grande précision un point fixe dans le calendrier annuel ou dans le cycle plus long et plus complexe des levers et couchers de la Lune. Ces observations auraient pu rendre possible la prévision des éclipses.
On a également envisagé une vocation astronomique pour le célèbre monument mégalithique de Stonehenge, sur les plaines de Salisbury, dans le sud de l’Angleterre, vieux d’environ cinq millénaires, datant du Néolithique tardif. Selon une hypothèse avancée dès 1901 par Norman Lockyer, mais reprise en 1963 par Gerald S. Hawkins de l’Université de Boston, ce monument aurait été un observatoire primitif qui servait de mécanisme pour prédire des éclipses solaires et lunaires aux alentours de 2500 avant notre ère. Les 56 trous d’Aubrey (découvert par John Aubrey au XVIIe siècle), des trous placés à égale distance entre eux, auraient représentés trois cycles lunaires complets, permettant ainsi une précision de 3 parties sur 1000. Aux jours les plus courts et les plus longs de l’année (lors des solstices), certaines pierres auraient lancées les ombres de la Pleine Lune vers le centre de la structure. Notons toutefois que les diverses théories qui attribuent une vocation astronomique aux mégalithes restent extrêmement controversées; une grande part est laissé à l’interprétation des ruines archéologiques. De plus, les critiques supposent que les effets de la réfraction atmosphérique sont suffisamment larges pour empêcher des observations précises.
Le Moyen-Orient ancien
Les Sumériens (vers le IIIe millénaire avant notre ère), d’abord, et les Babyloniens, plus tard, utilisèrent un calendrier lunaire, qui permet de repérer facilement les mois. Ce calendrier lunaire comportait 12 mois de 30 jours. Mais ce mois lunaire n’est pas un sous-multiple simple de l’année solaire, qui marque le retour des saisons et qu’utilise le cultivateur pour fixer l’époque des semailles ou de la moisson. Le décalage avec la durée réelle de l’année (environ 365,25 jours) était rattrapé par l’addition d’un treizième mois que l’on plaçait à une époque quelconque. Ce n’est que vers le VIe siècle avant notre ère que des règles précises furent introduites pour l’addition de ce mois supplémentaire dans le calendrier. À partir de 385 avant notre ère, sept intercalations en 19 ans furent prescrites pour régulariser l’année luni-solaire.
Durant la période allant de 1 800 à 400 avant notre ère, les Babyloniens développèrent un calendrier basé sur les mouvements du Soleil et les phases de la Lune. Durant les 400 années qui suivirent, ils concentrèrent leur intérêt sur la prédiction précise du croissant lunaire suivant la Nouvelle Lune, et se servirent de ce phénomène pour déterminer la durée exacte du mois lunaire. Les tablettes cunéiformes déchiffrées au XXe siècle montrent que les Babyloniens avaient résolu ce problème avec une justesse de quelques minutes. Ils arrivèrent à ce résultat en compilant des tables précises d’observation qui révélaient de petites variations dans la vitesse apparente du Soleil et de la Lune. Ces variations, ainsi que les changement dans la latitude de la Lune, furent analysés numériquement en notant comment ces variations changeaient de façon régulière et prévisible avec le temps. Les Babyloniens utilisèrent ces mêmes méthodes numériques pour prédire des éclipses solaires et lunaires.
Les Babyloniens furent de très grands observateurs. On a ainsi retrouvé dans la bibliothèque d’Assurbanipal à Ninive (vers 650 avant notre ère) un grand nombre de tablettes astronomiques dont les plus anciennes remontent au XXe siècle avant notre ère. On y trouve notamment des tables donnant la liste des éclipses passées et tentant de prédire celles à venir. Ils parvinrent d’ailleurs, à l’époque des Sargonides (VIIIe et VIIe siècles avant notre ère) à prédire de façon empirique ces phénomènes particulièrement redoutés, qui leur semblaient de sinistres augures. On a retrouvé des tablettes d’argile contenant des éphémérides lunaires, à partir desquelles les astronomes de l’époque séleucide (vers 311 avant notre ère) calculeront la durée du mois lunaire.
La plus ancienne observation babylonienne relative à une éclipse solaire totale, et que l’on puisse dater avec certitude, remonte au 15 juin de l’an 763 avant notre ère. Néanmoins la périodicité de telles éclipses avait été reconnue plus tôt, probablement dès le IIIe millénaire avant notre ère. La découverte du cycle du saros (18 années et 10,3 jours) constitue, sur ce point, une des contributions les plus remarquables de l’astronomie babylonienne. L’excellente qualité de ces observations, qui à l’origine étaient consignées surtout dans un but astrologique, permit pourtant le calcul d’importantes données astronomiques et la découverte de phénomènes astronomiques d’envergure (notamment la précession des équinoxes, attribuée à Hipparque).
Quelques exemples peuvent rendre compte de l’exactitude de certaines données obtenues : la durée moyenne entre deux phases lunaires semblables (mois synodique ou lunaison) est, selon l’astronome Narubi’annnu (fin du IIIe siècle avant notre ère) de 29,530641 jours et selon l’astronome Kidinnu (vers 380 avant notre ère) de 29,350589 jours. Notons que la valeur moderne est de 29,530588 jours.
L’apport de l’astronomie babylonienne est considérable et rendit possible nombre de découvertes attribuées aux Grecs grâce à leurs relevés d’observations.
Bien que les Égyptiens aient été familiers avec tous les phénomènes astronomiques qui passionnaient les mages de Mésopotamie, leur étude du mouvement des astres servit surtout à prédire la crue du Nil, principalement avec l’observation du lever héliaque (juste avant le lever du Soleil) de l’étoile Sirius. Notons que leur premier calendrier fut d’origine lunaire puisque selon Hérodote leur calendrier comptaient douze divisions. Mais ils l’abandonnèrent très tôt pour un calendrier solaire. En conséquence, l’astronomie joua un rôle moindre dans la civilisation égyptienne que dans les autres sociétés du Moyen-Orient, où l’élaboration d’un calendrier luni-solaire, nécessairement plus complexe, favorisa la solution de plusieurs problèmes astronomiques.
L’astronomie grecque et hellénistique
Les Grecs usèrent surtout de méthodes géométriques plutôt que de calculs numériques pour comprendre les mouvements célestes. Influencé par les concepts platoniens de perfection basés sur la sphère et sur le mouvement circulaire, la pensée grecque domina l’astronomie pendant deux millénaires et força les astronomes à se servir d’outils comme les épicycles et les excentriques pour expliquer les mouvements irréguliers des planètes selon des schémas circulaires. Ce n’est qu’avec Kepler que la vraie forme des orbites, l’ellipse, remplacera le cercle.
Les auteurs de l’Antiquité prétendent que Thalès de Milet (vers 625-546 avant notre ère) se rendit célèbre en prédisant avec succès certaines éclipses, notamment l’éclipse de Soleil de 585 avant notre ère, qui mit un terme à la guerre entre les Mèdes et les Lydiens. Cette anecdote est cependant peu vraisemblable car la science grecque de l’époque n’avait pas les concepts nécessaires pour décrire le mécanisme des éclipses. Il est cependant probable que Thalès ait eu une compréhension rudimentaire des cycles solaires, qu’il tenait sans doute d’astronomes babyloniens, qui possédaient déjà la connaissance du saros et des tables d’éclipses. On pense maintenant que Thalès a pu consulter un corpus d’observations d’éclipses remontant à plus de 150 ans, sur une période suffisamment longue pour lui permettre de découvrir les cycle de saros de 18 ans. C’est ainsi qu’il put prédire une éclipse qui effraya le général Nicias 170 ans plus tard.
AnaxagoreLe philosophe Anaxagore (vers 500-428 avant notre ère), l’ami du grand athénien Périclès, eu l’intuition géniale que la Lune et les planètes sont des corps solides en mouvement, lancés dans l’espace comme des projectiles. Pour lui, la Lune n’est pas lumineuse par elle-même mais reçoit plutôt sa lumière du Soleil. Sa plus grande contribution à l’astronomie consiste dans l’explications des éclipses : les éclipses lunaires sont causées par l’ombre de la Terre sur la surface de la Lune, et les éclipses solaires sont provoquées par le passsage de la Lune devant l’astre solaire.
Notons qu’Anaxagore est le premier auteur grec à parler de la pluralité des mondes habités. Il pensait que d’autres mondes que le nôtre devaient exister et que sur ceux-ci se trouvaient des hommes, avec des maisons et des canaux.
Empédocle d’AcragasEmpédocle d’Acragas (vers le Ve siècle avant notre ère) proposa l’image d’un système du monde qui tente de réconcilier l’univers inchangeant de Parménide avec le cosmos en état de changement constant d’Héraclite. Pour lui, le Soleil et la Lune ne sont pas des corps solides mais plutôt des réflections du feu central sur la surface intérieure de la sphère contenant un double hémisphère, un hémishère éclairé pour le jour et un hémisphère sombre pour la nuit.
MétonL’astronome grec Méton (Ve siècle avant notre ère) découvrit vers 432 avant notre ère que les dates des phases de la Lune se répètent exactement après une période de 19 ans. Mathématiquement, il établit le rapport que 19 années tropiques solaires contient 6939,60 jours alors que 235 mois synodiques lunaires contient 6939,69 jours. Le cycle de Méton fut utilisé pour savoir quand ajouter des mois lunaires intercalaires afin de faire correspondre l’année solaire tropique à l’année du calendrier.
EudoxeEudoxe de Cnide (env. 406-355 avant notre ère) fut le premier à offrir une explication du mouvement céleste selon des orbites circulaires. Il pensait que chaque planète était rattaché à un ensemble de sphères cristallines concentriques, centrées sur la Terre, et que chaque planète tournait selon des axes différents, afin de pouvoir reproduire les mouvements observés. Bien que cette théorie ne pouvait expliquer le changement de luminosité des planètes (relié à la distance entre la Terre et l’astre en question), elle fut néanmoins incorporée à la cosmologie aristétolicienne durant le IVe siècle avant notre ère.
Pour expliquer le mouvement de la Lune, Eudoxe utilise 3 sphères concentriques, dont chacune est rattachée à l’intérieur de l’autre. C’est un système élégant et ingénieux. Les trois épicycles correspondent aux trois principaux mouvements connus de la Lune, soit : son mouvement quotidien, son orbite mensuelle, et la période du saros de 18 années.
CalippeCalippe (vers 370-300 avant notre ère) améliora le système d’Eudoxe en ajoutant plusieurs sphères dont 2 sphères supplémentaires pour la Lune, pour un total de 5 sphères pour la Lune; 34 sphères au total pour le système du monde.
AristoteLe grand philosophe grec Aristote (384-322 avant notre ère) reprit le système de sphères homocentriques d’Eudoxe de Cnide mais y additionna des sphères. Dans son traité De Caelo (Du ciel), postule que le ciel est parfait et que les corps célestes font partie de coquilles sphériques faites d’éther (appelée aussi quintessence ou cinquième élément, une substance inaltérable), dont le mouvement de chacune est reliée entre elles, tournant autour d’un centre de mouvement immuable, le moteur premier. Tous les mouvements étaient circulaires et réguliers.
Notons que le système décrit par Aristote comprenait jusqu’à 56 sphères cristallines, telles des pelures d’onion céleste, toutes centrées sur la Terre, et chacune tournant selon un axe pris dans la sphère supérieure, selon la théorie d’Eudoxe de Cnide. Certaines sphères n’était rattaché à aucun astre mais se révélaient tout de même nécessaires au bon fonctionnement du système pour expliquer tous les mouvements correctement. Il suggère que la Terre est ronde à cause de la forme circulaire de l’ombre de la Terre sur la Lune lors d’une éclipse lunaire.
Comme d’autres astronomes avant lui, Aristote reconnaissait que les phases lunaires (variations apparentes de la taille du globe de la Lune durant un mois) résultait du fait que la Lune n’est pas un astre luminueux par lui-même mais qu’elle réfléchit la lumière du Soleil.
Notons que les variations du diamètre apparent de la Lune contribuera à rejeter la théorie des sphères homocentriques d’Eudoxe, qui supposait une révolution circulaire et une distance toujours égale des astres à la Terre, au profit d’une cosmologie plus complexe proposée par Héraclite (388-315 avant notre ère) basée sur un système à base d’excentriques et d’épicycles, qui sera adopté par Hipparque et Ptolémée.
Aristarque de SamosLe mathématicien et astronome grec Aristarque de Samos (vers 310-230 avant notre ère) arrivera à calculer les dimensions de la Terre grâce à la Lune par le biais de la géométrie. En effet, en mesurant le temps que met le disque lunaire à traverser l’ombre de la Terre lors d’une éclipse de Lune, il parvint à évaluer à un tiers le rapport du rayon lunaire au rayon terrestre, autrement dit le diamètre de la Lune. La valeur exacte étant 0,27.
Dans son traité, Sur les dimensions et distances du Soleil et de la Lune, qui décrit un système géocentrique, il utilise des méthodes géométriques ingénieuses, basée sur l’observation des rapports de position, pour trouver la distance relative des corps célestes. Ces mêmes méthodes seront adoptées plus tard avec peu de modifications par Hipparque et Ptolémée. Dans ses hypothèses pour trouver les distances, il introduit l’idée que la Lune recoit sa lumière du Soleil et que la Lune tourne autour de la Terre. Son résultat était erroné, mais seulement faute d’avoir pu disposer d’un instrument de visée suffisamment précis, car la méthode était impeccable. Il est cependant étonnant qu’il ait surestimé le diamètre apparent de la Lune (deux degrés au lieu d’un demi-degré pour la valeur véritable), ce qui causera un erreur importante dans la détermination des distances.
Aristarque développa la méthode de la dichotomie lunaire et les diagramme d’éclipses, ce dernier outil géométrique servit à déterminer les distances célestes jusqu’au XVIIe siècle. Notons finalement qu’il est resté célèbre pour avoir proposé que le Soleil se trouvait au centre de l’univers, dix-huit siècles avant Copernic.
Apollonius de PergameL’astronome et mathématicien Apollonius de Pergame (vers 262-190 avant notre ère) observa le mouvement eccentrique de 27 1/3 jours de la Lune.
Hipparque de NicéeHipparque de Nicée (vers 190-125 avant notre ère) peut être considéré comme le plus grand des astronomes grecs de l’Antiquité. Il fut tout à la fois un observateur habile, un brillant théoricien et un fabricant d’instruments astronomiques. Il réalisa le premier catalogue d’étoiles de l’Antiquité, prit la mesure précise de la période de révolution de la Lune et de l’inclinaison de l’orbite lunaire sur l’écliptique, la détermination de la distance Terre-Lune, l’élaboration de tables du mouvement du Soleil et de la Lune autorisant une prédiction correcte des éclipses, etc. Il apporta également des améliorations à la théorie de la Lune et du Soleil. Son plus grand titre de gloire est d’avoir découvert la précession des équinoxes.
Au temps d’Aristote, et probablement même avant lui, le mécanismes des éclipses était parfaitement connu. La principale difficulté pour établir des prédictions précises dépend du fait que l’orbite de la Lune ne coincide pas avec l’écliptique. Si l’orbite lunaire passait exactement par l’écliptique, nous aurions des éclipses solaires et lunaires à tous les mois. Mais l’inclinaison sur l’écliptique peut aller jusqu’à 5 degrés quand l’orbite de la Lune est en conjonction avec l’écliptique (mêmes longitudes) ou en opposition (différence de 180 degrés). Les conditions de l’éclipse dépendent premièrement de la latitude de la Lune respectivement aux noeuds de son orbite. Une fois connu la longueur exacte des mois synodiques et draconitiques, le calcul de l’époque d’une éclipse relevait simplement d’une questions d’arithmétique. C’est ainsi qu’à partir d’Hipparque, on put prédire les éclipses à l’intérieur d’une ou deux heures.
Ses observations permirent à Hipparque de découvrir que les mouvements irréguliers de vitesse de la Lune (la ligne des apses de l’orbite lunaire) se déplace sur son orbite et que l’inclinaison des noeuds lunaires par rapport à l’écliptique est de cinq degrés.
C’est à Hipparque que l’on doit la détermination exacte de la durée de chacun des quatre mois lunaires (sidéral, synodique, draconitique, et anomalistique) pour représenter les mouvements compliqués de la Lune sur son orbite autour de la Terre.
Hipparque croyait au système géocentrique et pour expliquer les anomalies d’un modèle où les astres se mouvaient en cercles parfaits, il employa un système géométrique particulier, basé sur l’utilisation d’une combinaison de cercles excentriques et d’épicycles pour représenter les mouvements du Soleil et de la Lune. Pour représenter l’orbite de la Lune, il utilisa comme dans le cas du Soleil, un cercle excentrique dont le centre décrit une orbite autour de la Terre en 9 ans, durée qui correspondait au mouvement des apses ; le plan de l’excentrique étant incliné de 5 degrés par rapport à l’écliptique et se mouvant lui aussi, afin de représenter le mouvement des noeuds.
Le résultat n’était pas très bon puisque ces différents mouvements de la Lune ne peut être fidèlement simulé par une seule excentrique. Il y avait donc des périodes où les observations ne correspondaient pas aux calculs dérivés de la théorie. Certaine indications laissent à penser que Hipparque s’en soit rendu compte mais ne put trouver les concepts pour améliorer son modèle. Il reprit et améliora la méthode d’éclipse utilisée par Aristarque pour calculer avec plus de précision la distance Terre-Lune et les dimensions relatives de ces deux astres.
SeleucusSeleucus (vers 150 avant notre ère) attribuait les marées aux brassages de l’air causés par les révolutions de la Terre et de son interaction avec la Lune.
CléomèdeCléomède (1er siècle avant notre ère) mentionne pour la première fois le rôle de la réfraction atmosphérique, après avoir observé une éclipse de Lune, juste après son lever, alors que le Soleil était encore au-dessus de l’horizon et attribua correctement ce phénomène à la courbure des rayons lumineux traversant l’atmosphère terrestre.
Pline l’AncienLe naturaliste et écrivain romain Pline l’Ancien (23-79) rédigea un exposé détaillé et souvent exact (malgré quelques erreurs et lacunes) de la théorie luni-solaire des marées, d’abord imaginée par Posidonius.
PtoléméePtolémée (vers 100-170) décrira le premier l’inégalité du mouvement lunaire appelée évection. Il fut l’astronome le plus lu de l’Antiquité romaine et du Moyen-Âge.
En effet, l’Almageste (La grande composition), le plus important ouvrage d’astronomie de l’Antiquité, constitua le manuel standard d’astronomie jusqu’à l’époque de Copernic, quinze siècle plus tard. C’est à la fois une compilation des connaissances astronomiques du passé et le résultat des découvertes de l’auteur. L’ouvrage est divisé en 13 livres, ou chapitres. Dans chacun de ces livres, Ptolémée expose un aspect spécifique de sa théorie géocentrique du monde, qui place la Terre au centre de l’univers. Les deux premiers livres présentent de manière générale la cosmologie basée sur les théories d’Aristote et décrivent la trigonométrie de la sphère céleste. Le troisième livre traite de la théorie du mouvement solaire, surtout dérivé d’Hipparque. Les livres 4 et 5 présentent la nouvelle théorie lunaire de Ptolémée, qui améliore substantiellement la connaissance du mouvement de la Lune. Les sixième livre est une discussion des éclipses. Les livres 7 et 8 consistent dans des catalogues d’étoiles. Les derniers livres, de 9 à 13, contiennent la contribution la plus originale de Ptolémée, sa théorie des mouvements planétaires, basés sur l’utilisation des épicycles afin de prédire les positions du Soleil, de la Lune et des planètes à un moment donné.
Dans ces chapitres sur le mouvement planétaire, Ptolémée introduit l’utilisation du mécanisme des équants (mouvements uniforme d’un astre autour d’un d’un point excentrique à la Terre). Ce procédé, qui réfute en fait l’utilisation des cercles parfaits, est une exception importante au système aristotélicien, qui poussera d’ailleurs Copernic à rejeter le système ptolémaïque.
Dans le cas de la théorie du mouvement lunaire, Ptolémée arrivera d’abord à tenir compte de son irrégularité principale, appelée équation du centre, dont on se sert pour la prédiction des éclipses, et qui est causée par le déplacement de la ligne des apsides le long de l’orbite lunaire. Dans son explication de ce mécanisme, il se servira d’un cercle excentrique, dépendant de la position de la Lune par rapport à son apogée.
Toutefois, il découvrira également une autre anomalie plus petite du mouvement de la Lune que l’on appelle évection. Cette irrégularité périodique de la vitesse de la Lune peut être décelée à certains points de son orbite. Ptolémée expliquera ce mouvement en ajoutant au système régissant l’orbite lunaire un épicycle à un cercle déférent excentrique, dont le centre se meut autour de la Terre.
Pour résoudre certaines contradictions qui demeuraient lors d’observations se produisant aux quadaratures (quartiers lunaires), il introduisit une oscillation supplémentaire de l’épicycle, auquel il donna le nom de prosneusis. Grâce à ce raffinement de sa théorie, il fut capable de prédire la position de la Lune avec une exactitude de 10 minutes d’arc (ou 1/6 de degré d’angle). Ces prédictions étaient en accord avec les observations de l’époque; 10 minutes d’arc étant une très petite valeur pour l’astronomie pré-télescopique de ce temps. Notons que si la théorie de Ptolémée remporta beaucoup de succès auprès des astronomes qui le suivit, c’était en grande partie parce qu’il était facile de construire des tables d’éphémérides à partir de son modèle.
Soulignons finalement que malgré les connaissances astronomiques avancées de Ptolémée, il fit une erreur importante sur le diamètre apparent de la Lune. Cette erreur, dénoncée plus tard par Régiomontanus, influencera Copernic dans sa critique du système géocentrique.
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