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La cartographie lunaire : des origines au XXe siècle


Considérations générales

L’étude cartographique de la Lune commence avec l’invention du télescope.

Il existe deux méthodes afin d’établir des cartes de la Lune. La première consiste à représenter la face visible telle qu’elle est aperçue depuis la Terre. Cette description est celle qui fut utilisée par les astronomes depuis l’antiquité jusqu’à la fin des années 1960. La seconde manière de cartographier la Lune a été mise en place par l’exploration spatiale, qui a révélé la face cachée. Pour les besoins physiques de l’exploration, il est alors devenu nécessaire de cartographier la Lune comme la Terre, selon une projection de type Mercator (et les régions polaires selon une projection de type stéréographique) afin d’éliminer les problèmes de déformation sphérique des éléments morphologiques apparaissant sous un angle de vue ou une incidence rasante.

Toute la surface de la Lune est maintenant cartographiée avec précision. La région du pôle Sud vient juste dêtre explorée par les sondes orbitales Clementine et Lunar Prospector.

L’image que donne les lunettes et les télescopes est renversée : le nord en bas, le côté gauche à droite. Les cartes anciennes sont donc renversées par rapport aux cartes modernes. La définition de l’est et de l’ouest a longtemps été ambigue. Avant l’ère spatiale, certaines cartes étaient marquées ouest à gauche tandis que d’autres l’étaient à droite.

L’essor des observatoires contribua fortement au développement des études lunaires. En effet, la diffusion rapide de la lunette astronomique autorise les astronomes du XVIIe siècle à s’engager à la suite de Galilée, dans l’étude morphologique de la Lune et des planètes. Vers 1650, le Belge Langranus, le Polonais Hevelius, les Italiens Riccioli et Grimaldi s’attachent à dresser les premières cartes de la Lune et jettent les bases de la sélénographie.

Avec les grandes lunettes, l’étude détaillée des surfaces planétaires reste néanmoins difficile. Afin de minimiser la gêne due à l’aberration chromatique, on leur donne de très grandes longueurs focales.

La toponymie lunaire a plusieurs origines. Chaque cartographe (ou sélénographe) avait son propre système de nomenclature pour nommer les détails de la surface lunaire, si bien qu’un cratère pouvait avoir plusieurs noms. On utilisa d’abord les noms des savants fameux, des monarques, ainsi que des cités et des éléments de géographie terrestre. La nomenclature de la face visible date du XVIIe siècle ; elle est due en partie à Hevelius, et surtout à Riccioli et Grimaldi. Ces astronomes ont donné aux mers des noms de qualité humaines ou de phénomènes météorologiques (Mare Serenitatis ou Mer de la Sérénité, Mare Vaporum ou Mer des Vapeurs, etc.). Ils ont baptisé les montagnes du nom des grands massifs terrestres (Montes Carpatus pour les Carpathes, Montes Apennunus pour les Apennins, etc.). Les cratères ont reçu les noms de savants, d’artistes, de philosophes et d’écrivains (Copernicus, Ptolemeus, etc.). Le latin, longtemps utilisé pour qualifier les formations lunaires, a été officiellement adopté en 1964. Sur la face cachée, la toponymie est beaucoup plus récente et date du survol de la Lune par les sondes automatiques. Les traits topographiques les plus visibles ont été découverts en 1959 grâce aux images à très faible résolution transmises par Luna 3 aux scientifiques soviétiques. Ceux-ci ont donné des noms russes à ces éléments morphologiques (Mare Moscoviense ou Mer de Moscou, Tsiolkovsky, etc.). Les détails moins visibles découverts par la suite, notamment par les Lunar Orbiter, ont reçu des noms de grands scientifiques de toutes nationalités (Shrödinger, Fleming, etc.), principalement des physiciens et astronomes.

L’invention de la photographie n’abolira pas le rôle joué par l’observation visuelle. Car en pratique, de nombreux facteurs rendent difficile un représentation fidèle et surtout utile de la surface lunaire : la précision des détails topographiques dépendent surtout de l’angle d’illumination sous laquelle la formation est observée, la puissance théorique des instruments est limitée par les turbulences athmosphériques, l’absence de repères terrestres rend difficile l’interprétation de l’échelle et du relief, etc. C’est pourquoi, malgré l’excellente qualité des photographies luniares, les atlas populaires destinés aux astronomes amateurs sont encore largement dominés par des cartes dessinées.

L’étude cartographique de la Lune a été révolutionnée par la conquête spatiale. Les sondes d’abord ont permis d’arpenter sa surface dans sa presque totalité tandis que l’exploration humaine a pu nous rapporter des échantillons et nous renseigner directement sur la géologie lunaire.

L’observation pré-télescopique

Plutarque

Plutarque (46-120) écrivit un traité sous le titre : De la face que l’on voit dans la Lune. Il considère que la Lune est un astre identique à la Terre, susceptible d’être habité. Il suggère que la Lune possède des crevasses dans lesquelles le Soleil ne brille pas et que les tâches sombres se trouvant sur le disque lunaire se sont que les ombres de rivières, de montagnes et de vallées. Notons que, bien avant Plutarque, Démocrite (460-370 avant notre ère) avait déjà spéculé que les motifs que l'on distinguaientt sur la surface lunaire pouvaient être des montagnes.

Le Moyen-Âge

Les philosophes et les astronomes de l’Antiquité pensaient que La Lune était un miroir parfait et que les marques qu’on y voyait n’étaient en fait que les reflets de la surface terrestre. Mais cette explication ne satisfaisait pas tous les commentateurs médiévaux car la face lunaire ne change pas durant son orbite autour du globe terrestre. L’explication qui finit donc par prévaloir mettait en cause la densité variable de la matière constituant la Lune. Celle-ci, considérée comme un astre sphérique et parfaie selon l’antique théorie aristotélicienne basée sur les sphères cristallines, apparaissait avec d’apparents défauts à cause du jeu de lumière à travers la matière cristalline dont elle était faite. La perfection de l’astre lunaire, et du firmament, était ainsi préservée.

Al-Haitham

Al-Haitham (965-1040), appelé aussi Alhazen dans l’Occident chrétien, est l’auteur d’un livre très important sur la Lune, Sur la nature des taches vues sur la Lune. Il remarqua que les détails de la surface lunaire sont permanents, qu’ils ne changent pas de positions ou de dimensions. Il pensait que les régions lumineuses et sombres de la Lune étaient composées de matériaux différents, qui réfléchissaient la lumière solaire selon divers degrés. Cette conjecture, déjà énoncée dans un passage de Plutarque, fut largement discutée par les astronomes européens de la Renaissance bien que le manuscrit de l’astronome arabe ait été introuvable en Europe.

Léonard de Vinci

Notons brièvement que l’on a retrouvé dans les carnets de Léonard de Vinci (1452-1519) quelques dessins de la Lune, trop rudimentaires pour être appelées des cartes mais qui montrent à la fois la fascination exercée par notre satellite naturel de même que les limites de l’observation visuelle dans le cadre d’une cartographie proprement dite de la Lune.

William Gilbert

La première carte connue de la Lune fut dessinée dans les années 1590 par William Gilbert (1544-1603), médeçin de la Reine Elisabeth Iere. Sa carte lunaire, publiée de façon posthume par son frère dans l’ouvrage intitulé De mundo nostro sublunari philosophia nova (La nouvelle philosophie du monde sublunaire, 1651), fut élaborée à partir d’observations visuelles. En effet, le télescope ne sera inventé qu’une vingtaine d’années plus tard. Sa carte n’eut cependant pas d’impact; elle n’était d’ailleurs plus qu’un schéma, sans détails véritables, montrant des surfaces d’ombre et de lumière. Contrairement aux observateurs qui le suivront, il croyait que les régions brillantes étaient des océans tandis que les régions sombres étaient des continents. Il fut le premier à vouloir nommer les principaux éléments de topographie lunaire.

Les instruments d’observation

Les instruments d’observation qu’utilisaient les astronomes de l’époque pré-télescopique servaient surtout à la mesure du temps et des positions sur le ciel.

Pour la mesure du temps, on effectuait des relevés avec :

Pour la mesure des positions, on observe à l’aide :

Mentionnons particulièrement les volvelles, un instrument médiéval qui consistait en schémas articulés sur papier, permettant de calculer les positions de la Lune et de simuler les éclipses de Soleil et de Lune.

L’exploration des nouveaux mondes et le télescope

L’astronome et mathématicien anglais Thomas Harriot (1560-1621) fut le premier à pointer un télescope vers la Lune, quelques semaines seulement avant Galilée, en août 1609. Sa lunette astronomique ne grossissait que 6X. De 1610 jusqu’à 1621, Harriot produisit des cartes lunaires qui ne furent publiées qu’au XXe siècle.

Le père jésuite, astronome et mathématicien allemand, Christoph Scheiner (1575-1650) fut lui aussi un des premiers à tourner sa lunette astronomique vers notre satellite naturel et y découvrir l’existence d’un relief lunaire. Les premières représentations qu’il fit de la Lune commencent à apparaître vers 1620.

Galilée (1564-1642) avec son «tube optique» dessinera en 1610 cinq diagrammes de la Lune. Il pensait que les régions lumineuses étaient des terres immergées et que les zones sombres étaient des océans. Sa carte lunaire était assez grossière, comportant de nombreuses inexactitudes mais il parvint à estimer la hauteur des montagnes lunaires par trigonométrie en observant la longueur des ombres portées par les montagnes sur la surface lunaire. Ses calculs, estimant la hauteur des montagnes 5 milles italiennes (8 km) d’altitude, était deux fois trop larges mais tout de même remarquables étant donné la précision des instruments de l’époque.

Galilée construisit sa lunette en juin ou juillet 1609 et présenta son instrument au sénat vénitien en août. Il tourna sa lunette vers le ciel en octobre ou novembre 1609. Les découvertes qu’il fit des montagnes lunaires et des satellites de Jupiter furent publiées dans le Sidereus Nuncius (Le messager du ciel) en 1610.

En Aix-en-Provence, Nicholas Claude Fabri de Peiresc (1580-1637) et son ami l’astronome Pierre Gassendi (1592-1655) décidèrent de faire une carte lunaire, qui fut gravée en 1636 par Claude Mellan (1598-1688), un des meilleurs artistes et graveurs de son temps. Ce dernier fit trois vues de la Lune, montrant les premier et dernier quartiers ainsi que la Pleine Lune. Toutefois, ce sont plus des représentations artistiques de la Lune que des outils de cartographie car en voulant rester fidèle à ce que l’on voyait au télescope, les formes de la surface lunaire près du terminateur (la ligne séparant la zone d’ombre de la zone éclairée) étaient présentées avec plus d’importance que les autres motifs de la surface. De même, la surface de la Pleine Lune manquait de relief tandis que les motifs du limbe (voir glossaire) montraient plus de détails. Il fallait plutôt aux astronomes une vue composite prenant en compte les différences d’illumination et montrant le relief lunaire de la même manière sous différents angles.

L’astronome et cosmographe Michael Florent van Langren, dit Langrenus (1598-1675), est l’auteur de la première carte lunaire publiée, dans son ouvrage de 1645 intitulé Plenilunium. Il fut le premier à inventer une nomenclature pour désigner les détails du relief lunaire. Il donna ainsi des noms à près de 322 éléments de morphologie lunaire. Il développa une méthode pratique pour déterminer précisément les longitudes géographiques en observant les différences de temps entre les apparitions et disparitions des montagnes lunaires sur le terminateur durant les divers quartiers de la Lune. Cette méthode se révéla extrêmement utile en matière de navigation maritime. Pour utiliser ce système, il dessina une carte de la Lune comportant des noms pour reconnaître les différents détails de la surface lunaire. La première sélénographie (ou cartographie de la Lune) de Langrenus date de 1627. Les fonds lui manqua pour publier son oeuvre jusqu’en 1645, lorsque Phillippe IV d’Espagne lui offrit son support. De sa nomenclature originelle, basée sur les savants fameux et les monarques, il ne reste plus que trois noms sur les cartes lunaires : le sien (pour le cratère Langrenus), et ceux de Pythagoras et d’Endymion.

Deux ans plus tard, en 1647, une oeuvre d’une grande importance fut publiée par Johannes Hewlecke, dit Hevelius (1611-1687), un riche brasseur de la ville de Gdansk en Pologne. Cet ouvrage, intitulé Selenographia : sive, Lunae desciptio, contenait la première carte réellement utilisable, détaillée, d’un diamètre de 25 cm, de la Lune. Hevelius faisait lui-même ses télescopes et lentilles, dessinait ses observations, gravait et publiait lui-même ses ouvrages. Les cartes d’Hevelius, très détaillées, présentaient la Lune sous toutes ses phases ; ainsi que trois vues différentes de la Pleine Lune, dont une qui apparait telle que vue au télescope, une décrite selon les conventions des géographes de l’époque, et une vue composite avec tous les motifs illuminés (la carte dont les astronomes allaitent se servir durant les éclipses lunaires). Hevelius montra aux astronomes comment représenter les corps célestes. Toutes les cartes lunaires depuis ce temps, usent de la convention de l’illumination unique, bien que Hevelius s’inspirait plutôt de l’illumination du matin alors que les cartes modernes utilisent l’illumination du soir d’après le modèle de Langrenus. Hevelius institua aussi la pratique de montrer toute la portion visible du globe lunaire, qui à cause des librations, montrent plus qu’un hémisphère. En effet, 59% du globe lunaire est visible grâce au phénomène de libration (voir glossaire). La nomenclature qu’il utilisa était basée sur les noms des régions et des mers terrestres car il s’appuyait sur l’opinion antique selon laquelle les détails de la surface lunaire n’étaient que le reflets de la surface terrestre. Par exemple, il utilisa le nom des montagnes terrestres pour désigner les chaines de montagnes sur la Lune ; on lui doit l’appellation des Alpes, des Apennins et des Pyrénées, qui est encore en usage aujourd’hui.

Le jésuite, professeur de philosophie, de théologie et d’astronomie à l’Université de Bologne, Giovanni Battista (Giambattista) Riccioli (1598-1671) publia en 1651 une carte lunaire réalisée à partir des observations de l’astronome italien Francesco Maria Grimaldi (1618-1663). Cette carte, que l’on trouve dans l’ouvrage Almagestum Novum, en référence avec le grand oeuvre de Ptolémée, eut une grande importance dans le développement de la cartographie lunaire. Il choisit d’attribuer au mers, aux montagnes et cartères trois catégories de noms distincts : des désignations symboliques, des appellations de lieux géographiques terrestres et des noms de personnages illustres. S’inspirant de la carte dessée peu de temps auparavant par Hevelius, il baptisa mers les vastes étendues sombres de la surface lunaire et leur attribua des noms évocateurs d’état d’esprit, car on croyait que la Lune exerçait une influence prépondérante sur les conditions atmosphériques régnant sur Terre. Par exemple, il donna des noms poétiques comme Océan de la Tranquillité et Mer de la Fertilité. En outre, se référant à la carte établie en 1645 par Langrenus, il baptisa les cratères à l’aide de noms d’astronomes ou autres personnages célèbres de l’Antiquité et de son temps qu’il distribua par ordre chronologique du nord au sud. Il groupait d’ailleurs ces noms par nationalité, par âge, et par spécialité. Il nomma les régions maria (latin pour mers) parce qu’il croyait que c’était des mers ou des lits asséchés d’océans. Cette nomenclature remplaça celle d’Hevelius, qui continua néanmoins à être utilisée dans les pays protestant. La nomenclature de Riccioli a été largement conservé et est toujours en vigueur aujourd’hui.

Il est intéressant de constater que la nomenclature de Riccioli faisait écho aux anciennes idées de l’astronomie romaine qui proposaient la Lune comme l’habitat des âmes après leur transmigration au ciel, la destination des figures célèbres après leur mort. Comme cette tradition païenne, dont ils s’inspiraient manifestement, était réprouvée par l’Église, ils inscrivirent en haut de leur carte lunaire la mention suivante : « Les hommes n’habitent pas la Lune et les âmes n’y migrent pas » (Neither do men inhabit the moon nor do souls migrate there).

Domenico Giovanni Cassini (1625-1712), directeur de l’Observatoire de Paris, publia en 1679 une carte lunaire deux fois plus grande que les cartes d’Hevelius et de Riccioli, de 21 pouces (52,5 cm) de diamètre. Publiée en feuille et non en livre, elle devint rapidement difficile à obtenir. Toutefois, des versions réduites apparurent dans divers traités d’astronomie et d’optique, et remplaça, pour un temps, spécialement en France, les cartes d’Hevelius et de Riccioli. Il faut cependant reconnaitre que les copies de la carte de Cassini étaient de mauvaises qualité et montraient moins de détails que les cartes de ses contemporains.

Notons qu’à la fin du XVIIe siècle, les cartes de la Lune étaient devenus des objets populaires, certaines étant plus détaillées tandis que d’autres montraient plutôt des tendances artistiques.

Comme le télescope astronomique, avec son image inversée, s’est généralisé dans les observatoires, les astronomes ont vite adoptés l’habitude de représenter la Lune telle qu’il la voyaient, c’est-à-dire inversée de haut en bas. Cette pratique ne s’est corrigée que récemment.

Les cartographes modernes et l’ère du micromètre

Aucun progrès significatif dans le domaine de la cartographie lunaire ne fut accompli avant le milieu du XVIIIe siècle. Ce n’est qu’avec l’ajout aux oculaires du micromètre à fil (inventé par Auzoud et Picard en 1667), que la cartographie scientifique de la Lune pourra commencer.

En 1755, fut publié une carte postume de Tobias Mayer (1723-1762), responsable de l’observatorie de Göttingen. Sa carte de 20 cm de diamètre est la première à utiliser la projection orthographique, avec indications de longitude et de latitude. Il se servit d’un micromètre pour produire sa carte, section par section. Sa carte était la plus précise de son époque. Pour déterminer l’équateur lunaire, Mayer observa avec soin la position de la topographie lunaire et quantifia les mesures concernant les librations. Il avait commencé ses études de la surface lunaire en 1748 et eut le temps de terminer une quarantaine de dessins détaillés de plusieurs régions lunaires, d’après lesquelles il planifia de construire un globe et une carte de la Lune. Le globe lunaire ne vit jamais le jour mais ses deux cartes lunaires (de 20 et 46 cm) furent éventuellement publiés après sa mort. Son oeuvre fut d’ailleurs rééditée en 1879, suite à la publication des cartes de Lorhmann et de Schmidt. On se servit de cette carte vieille de 130 ans afin de vérifier si la surface lunaire montrait des changements au cours des années.

Johann Hieronymous Schröter (1745-1816) peut être considéré comme le véritable fondateur de la sélénographie moderne (de Séléné, déesse grecque de la Lune), la science de l’étude de la Lune. Il dévoua une grande partie de son existence à dessiner des cartes lunaires de grande valeur. C’est à partir de 1779 que Schröter se consacra à l’étude du relief lunaire. Le fruit d’un labeur de plus de dix années fut publiée en 1802 sous le titre Selenotopographische Fragmente sur genauern Kentniss der Mondfläche (Fragments de topographie lunaire). Il fut le premier à décrire les rilles, des motifs ressemblant à de longues crêtres sur la surface lunaire. Certaines régions en particulier furent dessinées avec un détail extraordinaire, dans l’espoir que de futurs observateurs puissent utiliser ces cartes afin de détecter des changements sur la surface lunaire. Il avait d’ailleurs l’habitude d’examiner la même formation lunaire sous différents angles d’illumination afin d’avoir une meilleure idée de la topographie lunaire. Il calcula également l’altitude de plusieurs montagnes lunaire.

Wilhelm Gotthelf Lohrmann (1796-1840) était un cartographe professionnel, qui entreprit de dessiner une carte lunaire basée sur ses propres mesures micrométriques. Avec une petite lunette, il détermina la position exacte d’un certain nombre de points de contrôle sur la Lune, d’après lesquels furent établies les positions des autres éléments de la topographie lunaire. Il divisa sa carte en 25 sections, et en 1824 publia les quatres premières sections, avec une explication de ses méthodes micrométriques, dans son livre Topographie der sichtbaren Mondoberflaerche. Cette ouvrage eut un impact important sur les sélénographes qui le suivirent car ils s’inspirèrent de ses méthodes pour réaliser leurs propres cartes. Bien que Lorhman travailla encore seize ans sur sa carte, et termina toutes les sections, il ne publia pas le reste de son atlas de son vivant. Heureusement, son successeur Julius Schmidt, prit sur lui de faire graver son oeuvre et de la publier en 1878 sous le titre Mondkarte in 25 Sectionen und 2 Erl uterungstafeln. Sa carte avait un diamètre de 97 cm.

La carte lunaire la plus exacte et la plus détaillée de la période pré-photographique fut réalisée par Wilhem Beer (1797-1850), banquier et astronome amateur, et Johann Heinrich von Mädler (1794-1874), astronome de profession et directeur de l’observatoire de Dorpat. Ils rédigèrent deux oeuvres de grande valeur : Mappa Selenographica (Carte de la Lune) en 1834-36, et Der Mond (La Lune) en 1837. Ils utilisèrent des méthodes modernes de cartographie avec une grille de points de référence qu’ils mesuraient avec un micromètre. Des mesures exactes de position furent ensuite ajoutées avec 1095 calculs d’altitude des montagnes lunaires. Leur carte comportait 427 noms : 200 trouvés par Riccioli, 60 par Schröter et 145 rajoutés par Mädler (notamment des noms de géographes et de navigateurs). Ils innovèrent aussi en décidant d’attribuer aux petits cratères proches des grands cratères des capitales latines et aux montagnes, collines et dômes des minuscules grecques. Étant donné que la carte de Lorhmann ne fut publiée dans sa totalité qu’en 1878, l’honneur d’avoir publié la première carte micrométrique de grandes dimensions leur revient. La carte est divisée en quatre sections et possède un diamètre de 38 pouces (95 cm). La carte de Beer et Mädler fut celle qui eut le plus d’impact au XIXe siècle. Non seulement fut elle la première et la plus belle carte lithographique jamais publiée, mais elle était également d’une richesse de détails extraordinaire. Elle servit de référence jusqu’à la fin du XIX<> siècle, période à laquelle la photographie commenca à détroner l’observation visuelle.

L’astronome allemand Johann Friedrich Julius Schmidt (1825-1884) dessina une carte lunaire de 72 pouces (180 cm) de diamètre, qui possèdait la même qualité de détail que les premières cartes photographiques modernes. Véritable sommet de la sélénographie du XIXe siècle, sa Die Charte der Gebirge des Mondes, aurait eu une dimension de plus de 6 pieds et demi (200 cm) de diamètre si l’on avait assemblé ses 25 feuillets. Sa carte contenait environ 33 000 cratères, comparé à 7 100 cratères pour celle de Lorhman et 7 800 pour celle de Beer et Mädler. Bien qu’il se fiat pour les positions des formations lunaires aux travaux de ses prédécesseurs, il détermina de lui-même l’altitude de plus de 3 000 montagnes lunaires, en utilisant les techniques de Schröter.

Edmund Neville Nevill (Neison), (1851-1938) publia à l’âge de 25 ans, un ouvrage intitulé The Moon and the Condition and Configurations of its Surface, qui contenait une carte de 2 pieds de diamètre (60 cm), mettant à jour les travaux de Beer et Mädler, une des meilleures cartes de l’époque. Sa carte, divisée en 22 sections, décrivait toutes les formations lunaires alors connues et contenait plus de 500 noms.

Johann Nepomuk Krieger (1865-1902), amateur bavarois dont l'observatoire se situait à Trieste, fut un illustrateur de premier ordre qui eu l’idée d’utiliser des photographies à bas contraste comme base de ses dessins. La qualité des cartes ainsi obtenues ne fut égalée que par les photomosaïques entreprises par l’Air Force dans les années 1960. Notons toutefois qu'à cause du grossissement utilisé dans les photographies, il confondit certains défauts et grains photographiques pour des détails topographiques de la surface lunaire. Kieger publia un premier volume de dessins en 1898, sous le titre de Mond-Atlas (Atlas de la Lune), qui contenait 28 cartes de cratères choisis. Mais à cause du surmenage, sa santé s’affaiblit peu de temps après la publication de son ouvrage. Ses manuscripts furent publiés de manière posthume en 1912, par son ami Rudolf Konig (1865-1927).

Philip Fauth (1867-1941), éducateur et astronome amateur, fut le dernier grand observateur lunaire allemand. Il s’intéressa toute sa vie à la Lune et publia de nombreuses études cartographiques lunaires entre 1895 et 1936. En 1932, il fit paraitre un atlas lunaire portant le titre de Neue Mondkarten und neue Grundlagen einer Mondkunde aufe 16 Tafeln (Nouvelle carte lunaire en 16 tables). La plus grande carte lunaire qu'il publia avait un diamètre de 137 pouces. Excellent illustrateur, il utilisa pendant une grande partie de sa vie une méthode de hachure des ombres qui lui permettait d’exécuter des cartes contenant beaucoup de détails. Ses principaux ouvrages sont : La Lune dans l'astronomie moderne (1906, avec traduction anglaise en 1909), et Unser Mond (Notre Lune, 1936). Observateur méticuleux et dessinateur de premier ordre, les cartes de Fauth furent hautement appréciées bien que sa crédibilité scientifique ait été entachée par son attachement à des théories douteuses. En effet, partisan des théories fantaisistes de Horbiger, il croyait que la Lune abritait des glaciers.

Les atlas photographiques

La première représentation mécanique de la Lune est attribuée à Louis Jacques Mandé Daguerre (1787-1851), l’inventeur du procédé pré-photographique connu sous le nom de daguerréotype. Il produisit en 1839 une image de la Lune sur une plaque d’argent. Toutefois, à cause du long temps d’exposition nécessaire à ce procédé, l’image n’était tout au plus qu’une tâche brillante.

C’est véritablement à John William Draper (1811-1882), chimiste américain de naissance britannique, que l’on doit les premières photographies réussies de la Lune en 1840. Ses photographies furent réalisées grâce à un petit télescope de cinq pouces (12 cm), sur des plaques d’argent.

Le Harvard Observatory photographia la Lune de 1849 à 1851, en utilisant une lunette de 15 pouces (38 cm). Dans les années qui suivirent, De la Rue, Grubb, Rutherford, Secchi, et Gould continuèrent à améliorer les techniques de photographie astronomique. Soulignons particulièrement l’apport d’Henry Draper (1837-1882), dont les photographies furent d’une grande valeur dans l’étude de la Lune.

Toutefois, il restait de nombreux problèmes à résoudre pour produire des cartes photographiques dépassant la qualité des cartes visuelles. En effet, les émulsions n’étaient guère sensibles et il fallait donc des expositions de l’ordre d’une minute pour enregistrer l’image. Durant le temps nécessaire à l’exposition, la Lune se déplaçait à l’objectif du télescope, ce qui provoquait une image brouillée. Avec l’invention des télescopes motorisés, ce problème pouvait être surmonté mais les vibrations du moteur, la lumière réfléchie à l’intérieur du tube du télescope, et la turbulence de l’atmosphère pouvaient toujours dégrader la qualité de l’image photographique. En 1871, l’invention de la plaque photographique sèche au bromide, beaucoup plus sensible à la lumière, permettra de réduire les temps d’exposition à moins d’une seconde et d’obtenir des images d’une qualité acceptable.

Avec l’adoption de ces techniques, la photographie astronomique sera adoptée rapidement par tous les observatoires astronomiques du globe.

Le Lick Observatory publiera en 1896, sous la houlette de Edward Singleton Holden (1846-1914) un Observatory Atlas of the Moon, élaboré à partir de photographies prises avec une lunette de 36 pouces (91 cm). La qualité des plaques photographiques n’était pas aussi bonne que les photographies prises par l’Observatoire de Paris, aussi cessa-t-on rapidement la publication de cet atlas.

En France, l’observatoire de Paris produira entre 1896 et 1909, un Atlas photographique de la Lune, contenant 80 reproductions de plaques photographiques prises avec une lunette de 34 pouces (86 cm). Les éditions de cet atlas, l’oeuvre de Maurice Loewy (1833-1907) et Pierre Henri Puiseux (1855-1928), domineront le début du XXe siècle. La qualité photographique de cet atlas ne sera dépassé que par les travaux des années 1960.

L’astronome américain William Pickering (1858-1938) du Harvard Observatory publiera en 1903 un Photographic Atlas of the Moon, contenant des reproductions de la Lune sous différentes phases, permettant ainsi l’étude du relief lunaire sous cinq différents angles d’illumination. Contrairement aux autres atlas photographiques, qui ne suivaient pas une échelle rigoureuse, un arrangement systématique et qui demeuraient très coûteux, l’atlas de Pickering sera une des premiers atlas populaires. Systématique et économique, il sera fort utile pour les observateurs lunaires, et pour les astronomes amateurs. Il établira les standards sous lesquels ses successeurs seront jugés.

L’astronome français Bernard Lyot (1897-1952) est l’inventeur du coronographe, qui permet de photographier la couronne solaire en dehors des éclipses. Il effectua d’importantes recherches sur la nature de la surface lunaire et produisit des cartes lunaires de haute qualité avec son collègue Audouin Dollfus.

Parmi les atlas photographiques récents, on peut citer le Photographic Lunar Atlas (1960) de Gerard Pieter Kuiper (1905-1973) qui réunit 281 photographies, couvrant 44 champs, sous différents angles d’illumination. Ce fut le dernier grand atlas photographique à utiliser des images prises par des télescopes terrestres. Les photographies furent tirées des collections de cinq grands observatoires : Mont Wilson, Lick, Pic du Midi, McDonald et Yerkes. Spécialiste de la surface lunaire, Kuiper dirigea l’Observatoire Yerkes et McDonald. En 1960, il fondait le Lunar and Planetary Laboratory à l’Université d’Arizona.

Le XXe siècle produira des cartes composites de la Lune, élaborées à partir d’un grand nombre de photographies, prises à fort grossissement sur des télescopes, de petites sections de la Lune. Ces photographies seront ensuite assemblées pour faire des cartes ou des atlas détaillés. Notons toutefois que ces cartes photographiques sont tout de même difficiles à interpréter à cause des ombres prononcées sur ce globe dépourvues d’atmosphère. Les variations d’ombre et de lumière sont accompagnés de changements dans l’apparence des détails de la surface lunaire. C’est pourquoi, on utilisa jusque dans les années 1960, les observations visuelles conjointement aux images photographiques pour dessiner des cartes topographiques de la Lune, beaucoup plus faciles à interpréter grâce à l’emploi des procédés de cartographie terrestre utilisés depuis longtemps pour la description géographique des surfaces.

La description imaginaire de la Lune : science versus art et fantaisie

La Lune et l’illustration astronomique

L’impact de la Lune n’est pas négligeable dans le développement de la vulgarisation scientifique. En effet, la fascination qu’elle exerçe par sa proximité inspira de nombreux artistes et savants à la décrire et à exploiter l’étrangeté de ses panoramas. C’est surtout à la fin du siècle dernier que l’illustration astronomique connut son heure de gloire avec la parution de nombreux ouvrages de vulgarisarion en astronomie.

Les premières illustrations de la Lune à être popularisées auprès du grand public furent celles de Émile Bayard et A. de Neuvill pour le célèbre roman de Jules Verne, De la Terre à la Lune (1865). Bien que son oeuvre soit d’abord une entreprise de fiction, il supervisa les illustrations de manière à ce qu’elles correspondent à la science de son temps. Verne disposait même d’une des meilleures cartes lunaires en existence, faite par Beer et Mädler, les plus grands sélénographes de leur temps.

Les premières illustrations astronomiques de la Lune destinées à la vulgarisation scientifique paraîtront dans l’étude classique de James Nasmyth (1808-1890) et James Carpenter (1840-1899), publiée en 1874 : The Moon, Considered as a Planet, a World, and a Satellite. L’ouvrage contenait de nombreuses reproductions de peintures et de photographies de modèles en plâtre de la surface lunaire, aussi bien vues du télescope sur Terre que telles qu’elles auraient pu apparaître à un observateur situé sur la Lune.

L’abbé Théophile Moreux,directeur de l’observatoire de Bourges, produisit des reconstitutions rigoureuses des panoramas lunaires. Il rédigea et illustra ses propres ouvrages de vulgarisation en astronomie, dont Un jour sur la Lune (1913).

Lucien Rudaux (1874-1947) fut probablement le meilleur illustrateur de la première moitié du XXe siècle. C’était un artiste et un astronome, qui écrivit et illustra de nombreux ouvrages dont L’Encyclopédique Larousse de l’astronomie et son livre Sur les autres mondes. Ses illustrations figuraient au sommaire des publications les plus populaires de son temps : La Nature, L’Illustration, The Illustrated London News, The American Weekly, Popular Science, etc. Contrairement à beaucoup d’artistes (tel que le populaire Chesley Bonestell) qui représentaient le relief lunaire comme très accidenté, avec des montagnes très hautes et escarpées, les peintures de Rudaux datant des années 1920 et 1930 comportent des panoramas montrant des montagnes aux pentes douces et arrondies, qui ressemblent énormément aux photographies prises par les astronautes des missions Apollo. En concentrant ses observations sur le limbe lunaire, il savait que les montagnes lunaires étaient arrrondies et érodées par l’impact des météorites ainsi que par les températures extrêmes qui sévissent sur cet astre (écarts de températures qui effritent les roches par dilatation thermique).

Mentionnons également l’oeuvre du britannnique Sriven Bolton, qui construisait des modèles des surfaces lunaires qu’il photographiait contre des décors sombres.

L’astronome français Camille Flammarion (1842-1925) fut un auteur prolifique et un vulgarisateur infatigable de l’astronomie. Son ouvrage le plus connu, l’Astronomie populaire (1880) fut traduit en plusieurs langues, et contient plusieurs illustrations astronomiques.

L’américain Chesley Bonestell (1888-1986) est l’illustrateur qui marqua le plus les esprits durant la seconde moitié du XXe siècle. En effet, ses dessins illustrent des panoramas astronomiques ou des scènes de la conquête spatiale future. Ses illustrations ornèrent les couvertures de plusieurs publications sérieuses comme : Life, Scientific American, et Collier’s.

La pluralité des mondes habités

Le thème de la pluralité des mondes habités, et celui apparenté des voyages imaginaires, a été un puissant moteur comme motif d’exploration du cosmos. On peut en juger par les exemples des projets d’observation planétaire de Percival Lowell, qui croyait voir des canaux sur Mars, les récentes tentatives de recherche de planètes extra-solaires, et les initiatives actuelles de recherches radio-astronomiques du SETI (Search for Extra-Terrestrial Intelligence), qui jugent possible la communication interstellaire entre civilisations. La Lune, l’astre le plus proche de nous, a joué un rôle de premier plan dans l’évolution de cette idée.

Les Anciens grecs se sont montrés ouverts à la notion de mondes habités. En effet, les Pythagoriciens au Ve siècle avant notre ère et les atomistes comme Démocrite et Épicure, un siècle plus tard, ont émis pour la première fois l’idée de vie au-delà de notre globe.

Mais c’est Lucien de Samosate (vers 120-180), un satiriste grec de la période romaine, qui s’ingéniera à nous montrer les détails fantaisistes d’un autre monde avec son oeuvre romanesque intitulée Une histoire vraie. On y trouve le récit d’un voyage jusqu’à la Lune. Plutarque, observateur de la Lune, croyait quant à lui à la possibilité réelle de vie sur ce monde.

Au XVIIe siècle, avec l’acceptation de la théorie héliocentrique, la cosmologie copernicienne allait fournir un paradigme où les autres planètes pouvaient être considérées comme d’autres Terres. Ce n’est qu’à ce moment qu’un débat sérieux peut se mettre en place pour discuter de la vie sur les autres planètes.

Notons d’abord l’ouvrage posthume du grand astronome Johannes Kepler, qui dans son Somnium (Le rêve, 1634), utilise l’idée d’un voyage imaginaire à la Lune pour décrire le système planétaire de Copernic ainsi que le résultat de ses observations astronomiques.

John Wilkins, dans son The Discovery of a World in the Moone (1638), défend la notion de vie sur la Lune.

Citons brièvement l’oeuvre importante de Bernard le Bovier de Fontenelle (1657-1740), qui dans traité populaire Entretiens sur la pluralité des mondes (1686), et celle de Christiaan Huygens (1629-1695), dans son Cosmotheoros (Théorie du cosmos,1698), postulent l’existence de la vie sur d’autres planètes autour du Soleil et autour d’autres étoiles.

La notion de mondes habités fascine et on la retrouvera dans plus d’une centaine de voyages imaginaires entre les XVIIe et le XIXe siècle. Des auteurs comme Cyrano de Bergerac et Edgar Allan Poe l’exploiteront.

La popularisation des découvertes astronomiques fascine le grand public, public qui sera à l’occasion victime des fabrications de journalistes peu crapuleux en mal de copie. Citons l’épisode fameux du «Moon Hoax» de 1835. Le New York Sun publia dans son édition d’août 1835 des reportages sur de soi-disantes observations qu’auraient effectué l’astronome réputé Sir John Herschel avec son grand télescope du Cap de Bonne Espérance en 1833. Le journaliste A. Locke raconta dans ces articles que l’astronome avait vu dans son télescope des créature vivantes sur la Lune : des plantes et des animaux géants, de même qu’une race d’humanoïde ressemblant à des chauves-souris. Cette fiction sera rapidement dénoncée mais elle montre comment les spéculations sur la pluralité des mondes habités, et plus particulièrement concernant notre satellite naturel, sont anciennes et peuvent resurgir à n’importe quel moment dans l’esprit de l’homme de la rue; comme peut l’attester d’ailleurs la popularité actuelle des séries télévisées telles que X-Files, des films tels que Independance Day, tels que les livres sur les ovnis et les multiples témoignages de « contactés ».

Bien qu’une bonne mesure de scepticisme finit toujours par prévaloir, de nombreux astronomes comme Percival Lowell (1855-1916) et plus particulièrement Camille Flammarion (1842-1925) popularisent l’idée auprès de leurs lecteurs. Flammarion, publia même un ouvrage en 1862, intitulé La Pluralité des mondes habités. Il croira toujours la Lune habitable et susceptible accueillir la vie.

Ce n’est qu’au XXe siècle, avec l’utilisation de puissants télescopes et des sondes spatiales, que la Lune d’abord, et les autres planètes du système solaire ensuite, apparaitront comme des mondes désolés. On se tournera alors vers la possibilité de vie sur les planètes extra-solaires.

La nomenclature moderne

Peu après le début du XXe siècle, avec la publication et la diffusion de nombreux atlas photographique de la Lune d’excellente qualité, la nomenclature lunaire était devenu un problème frustrant pour les astronomes car un détail du relief lunaire pouvait porter jusqu’à trois noms différents dépendant de l’atlas que l’on consultait. Aussi, en 1921, l’Union astronomique internationale (UAI), l’organisme chargé d’attribuer les noms aux surfaces planétaires et normaliser les catalogues astronomiques, mit sur pied un comité chargé d’étudier le problème.

En 1935 parut le fruit de leur travail, le Named Lunar Features, connu également sous le nom de International Astronomical Union Map. Cette carte lunaire suivait les lignes directrices qu’avait adoptées von Mädler près d’un siècle plus tôt. Selon cette tradition, on nommait les cratères selon le nom des savants, surtout des astronomes et des physiciens; les montagnes étaient nommées d’après leurs doubles terrestres; et on utilisait des termes latins désignant les sentiments et les émotions pour nommer les mers lunaires. Les petits cratères étaient désignés selon le nom du cratère important le plus proche, suivi par une lettre romaine, les sommets individuels étant désignés par des lettres grecques.

En 1960, avec la course à la Lune qui se profile à l’horizon, l’Union astronomique internationale décidera que les cartes astronautiques dédiées à l’exploration seront faites en accord avec les procédés terrestres de cartographie. On choisira également de normaliser les points cardinaux car jusqu’à cette époque l’orientation des cartes reflétait l’usage de l’observation télescopique qui renverse l’image. On remit donc la Lune à l’endroit et on la cartographia telle qu’on la voit dans le ciel à l’oeil nu. La convention adoptée est dite astronautique : la position des points cardinaux correspond à l’image de la Lune à l’oeil nu. Un observateur situé sur la Lune verrait donc le Soleil se lever à l’est et se coucher à l’ouest, tout comme sur la Terre. Les astronomes ont choisi comme méridien d’origine celui qui passe au centre de la face visible. Historiquement, les positions avaient d’abord été repérées par rapport à un petit cratère brillant, Mösting A. La détermination précise des coordonnées de ce cratère dans le nouveau système a permis de calculer les coordonnées de toutes les autres formations. Notons que le latin, longtemps utilisé par les astronomes pour qualifier les formations lunaires, a été officiellement adopté en 1964.

En 1967, l’Union astronomique internationale adoptera un système de nomenclature lunaire étendu et amélioré par Gerard Kuiper, basé sur le système en vigueur depuis 1935. C’est à cette époque que l’on adoptera également la nomenclaure des LMP (Lunar Map Photographic) du USAF Aeronautical Chart and Information Center (ACIC) qui permettait d’identifier de plus petits détails du relief lunaire, ainsi que les formations de la face cachée.

En 1970, 513 nouveaux noms furent retenus, la plupart pour la face cachée. Pour la première fois, l’UAI décida d’immortaliser des personnages célèbres encore en vie, à savoir dix astronautes américains et six cosmonautes soviétiques.

En 1973, la nomenclature lunaire fut l’objet d’une importante réforme, très controversée. En effet, depuis 1935, les cratères secondaires étaient officiellement désignés sous le nom du cratère principal suivi d’une majuscule latine (ainsi Mösting A, près de Mösting), les collines, dômes, entre autres, par le nom de la formation principale la plus proche suivi d’une minuscule de l’alphabet grec, et les rainures par le nom du relief voisin prédominant suivi d’un chiffre romain. Ce système fut supprimé en 1973. Il fut en outre décidé que les cratères secondaires devaient recevoir des désignations spécifiques. Certains petits cratères portent même des prénoms masculins et féminins. En fait, cette décision répondait à un besoin bien précis : celui de retrouver, sur les feuilles individuelles d’une carte détaillée de la Lune au1:250 000 (cartes photographiques américaines de la NASA) le nom d’au moins une formation. Des milliers de noms devraient donc progressivement apparaitre sur les cartes lunaires. De 1973 à 1988, 138 cratères ont ainsi reçu une désignation spécifique. Par exemple, le cratère Manilius A a été rebaptisé Bowen.

En 1976, l’Union Astronomique Internationale revint sur sa décision de supprimer totalement les premières désignations et statua qu’elles devaient être conservées entre parenthèses à côté des nouveaux noms afin d’assurer une continuité dans la littérature sélénographique et éviter ainsi de dérouter les lecteurs de cartes ou d’ouvrages antérieurs ou postérieurs à la réforme.

En 1988, 6 231 nouveaux noms de cratères avaient été homologués.

Notons finalement que les astronautes qui ont visités la Lune n’hésitèrent pas à nommer certaines formations lunaires du nom de leur épouse (par exemple, James Lovell lors des vols d’Apollo 8 et 13) et de leurs collègues de travail à la NASA. Ces noms, d’abord officieux, furent finalement homologués par l’UAI.

Les atlas populaires

Aujourd’hui, on peut se procurer des globes et des atlas lunaires pour à prix modiques. Les cartes de la Lune sont toujours des items populaires chez les astronomes amateurs.

Parmi les atlas lunaires les plus populaires, on trouve l’Atlas de la Lune (1962) de Vincent de Callatay, le Amateur’s photographic lunar atlas (1968) d’Henry Hatflied, A new photographic atlas of the moon (1971) de Zdenek Kopal. Mentionnons aussi la carte lunaire réalisée par le National Geographic Society en 1969, intitulée The Earth’s Moon.

L’atlas le plus vendu en ce moment est l’Atlas de la Lune de Antonin Rükl (nouvelle édition, 1990).


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