La Lune dans les cultures non-occidentales
Considérations générales
À peu près toutes les civilisations connues montrent un intérêt pour l’observation de la Lune, qui fut généralement à l’origine de leur premier calendrier. Il n’est pas clair si ce calendrier lunaire ou luni-solaire a fait l’objet d’une diffusion culturelle à l’époque préhistorique, ou s’il a été réinventé plus tard dans chacune des sociétés primitives.
L’apport des cultures non-occidentales au développement des connaissances sur la Lune est négligeable, si l’on excepte l’importante influence du Moyen-Orient, qui, depuis les astronomes mésopotamiens jusqu’aux astronomes arabes, ont transmis d’importants concepts et calculs relatifs à la Lune.
Par contre, les relevés archéoastronomiques des anciennes civilisations concernant la Lune sont particulièrement précieuses aux astronomes d’aujourd’hui, qui peuvent ainsi analyser les mouvements lunaires sur de très longues périodes et découvrir des anomalies séculaires. Par exemple, les observations d’éclipses nous renseignent sur les changements dans la vitesse de rotation du globe ou encore permettent de confirmer les dates de certains événements historiques.
La Chine
Dès les premières inscriptions sur os, nous retrouvons des observations astronomiques : éclipse de Lune en 1361 avant notre ère et éclipse de Soleil en 1216 avant notre ère.
L’ancien calendrier chinois apparaît comme luni-solaire. Par ailleur, le cycle au bout duquel le Soleil et la Lune occupent les mêmes positions relatives, le cycle de Méton (égal à 19 ans) a été très tôt connu en Chine ; il fut appelé tchang. Vers la fin du IVe siècle, les Chinois parvinrent à faire coincider l’année solaire avec l’année lunaire en insérant sept lunaisons intercalaires dans un cycle de 18 ans. Il calculèrent que 405 lunes=11960 jours, que 27 tchang=1 houei (513 ans ou 47 cycles d’éclipses). Ils utilisèrent également un cycle de 76 ans appelé pou.
Selon les chroniques que des astronomes du début de notre ère nous ont laissés, l’empereur Huangdi fit construire en 2068 avant notre ère. un observatoire auquel il confia la mission d’établir un calendrier fiable. Les Annales chinoises rapportèrent également qu’en l’an 2160 avant notre ère, sous le règne de l’empereur Zhangozang, les astronomes impériaux Ho et Hi furent condamnés à mort pour n’avoir pas prévu une éclipse de Soleil qui se produisit cette année-là et avoir ainsi empêché qu’il en soit tenu compte dans les rites. Plus d’un millénaire avant notre ère, les Chinois (mais aussi les Coréens et les Japonais) procédaient déjà à des observations célestes comme l’attestent leurs chroniques anciennes. Ces observations demeurent précieuses pour les astronomes contemporains, qui peuvent ainsi établir des mesures plus précises de la rotation terrestre en comparant les éphémérides calculées aux données observées des éclipses, par exemple.
Néanmoins, ce ne fut que vers le premier siècle avant notre ère que l’étude des mouvements des planètes et de la Lune fut suffisamment avancée pour autoriser une précision satisfaisante dans la prédiction des phénomènes célestes, et notamment des éclipses. Les Chinois connaissaient donc le cycle du saros qui régit les éclipses de Lune et de Soleil.
Notons que la sphère céleste qu’ils utilisaient était divisée en 28 quartiers inégaux mesurés sur l’équateur et convergeant vers le pôle, identifiés chacun par une étoile principale ; l’équateur étant ainsi fractionné en 28 secteurs, ou «abris». On peut déceler dans cet arrangement un zodiaque lunaire, correspondant primitivement aux positions successives de la Lune au cours du mois.
Le calendrier luni-solaire chinois fut exporté dans le reste de l’Extrême-Orient, notamment au Japon et en Corée.
L’Inde
L’astronomie védique (des Védas, livres sacrés en Inde) fait une grande place à l’observation de la Lune, notamment dans le calendrier. En effet, leur calendrier luni-solaire comptait une année de 360 jours composée de 12 mois de 30 jours, avec l’adjonction d’un treizième mois de 30 jours quand le décalage entre le calendrier civil et les saisons l’exigeait. Les calendriers hindous sont d’une grande complexité, font état de nombreux types de divisions du temps. Ils utilisèrent des mois et des jours solaires et lunaires, dont la durée différente nécessitaient un système d’intercalation et de suppression de mois et de jours.
Trois recensions dans les livres sacrés font état de 27 ou de 28 constellations. Il s’agit donc de dicions d’un zodiaque lunaire, constituée de «maison lunaires» – maisons successivement occupées par la Lune dans sa révolution mensuelle – comme en Chine. Toutefois, ce zodiaque d’inspiration lunaire sert également à l’observation du Soleil et des planètes. L’astronomie classique ancienne de l’inde apparait déjà influencé par les travaux grecs.
Notons finalement avec intérêt l’oeuvre de l’astronome indien Aryabhata l’Ancien (476-550), qui écrivit en 499 l’ouvrage intitulé Arabhatiya, qui constitue un résumé des sciences mathématiques de son temps. Il y discute d’astronomie, et propose que la Lune et les planètes réfléchissent la lumière du Soleil. Il explique correctement les causes des éclipses de Lune et de Soleil.
L’Amérique précolombienne
Les Mayas
Chez les Mayas, les connaissances astronomiques furent très poussées. Des inscriptions sur des stèles de pierre font état de position des corps célestes, notamment la Lune, Vénus et Jupiter.
Les Mayas utilisaient simultanément plusieurs calendriers ainsi que le calendrier dit du «long count», une série d’observations quotidiennes depuis une date zéro correspondant au 13 août 3114 avant notre ère. Ce calendrier était aussi précis que le système des jours juliens, un système chronologique institué en Europe en 1582 pour déterminer avec exactitude les dates astronomiques. Les Mayas gardaient la trace des cycles solaires et lunaires, ainsi que ceux relatifs aux planètes. C’est ainsi qu’ils connaissaient très précisément les préiodes des synodiques des planètes. Leur mathématique reposait sur la base 20, et pouvait exprimer des nombres énormes. Leur calendrier comportait 365 jours, répartis en 18 mois de 20 jours, plus 5 jours intercalaires.
Dès les plus anciens bas-reliefs, on voit les dates mayas complétées par une évaluation de l’âge qu’avait alors la Lune, c’est-à-dire du nombre de jours écoulés depuis la Nouvelle Lune. De ce grand nombre d’observations, les prêtres de la cité de Palenque avaient déduit, dès le VIIe siècle de notre ère, que 81 lunaisons (ou mois synodiques) équivalaient à 2392 jours. Ce calcul donne un valeur au mois synodique de 29,53086 jours/lunaison (ou mois synodique), légèrement excédentaire à la valeur réelle de 29,53059 jours/lunaison. Ils se servirent de cette relation mathématique pour calculer des événements astronomiques remontant à plusieurs millénaires dans le passé.
Dans la cité de Copan, d’autres astronomes mayas calculèrent que 4400 jours égalent 149 lunaisons pour une période de 29,53020 jours/lunaison. Cette valeur est en accord de 0.0004 avec la valeur moderne mais comportent assez d’erreur pour que les astronomes mayas retournent à la valeur utilisée à Palenque, légèrement plus précise.
Notons que des preuves relatives aux observations lunaires des Mayas ont été trouvées sur le site de Edzna, où se trouve une pyramide dite «La Viega», dont l’azimuth marque la limite nord du lever de la Lune (standstill). Ce complexe serait le plus vieil observatoire lunaire en Amérique et daterait de l’an 300 de notre ère.
D’autre part, le Codex de Dresde contient une table d’éclipses qui contient 405 lunaisons successives, ou 11 960 jours, ce qui équivaut à 46 années solaires de calendrier. Ces 405 lunaisons sont réparties en 69 groupes, les uns de 5, les autres de 6 lunaisons. La durée de ces groupes est calculée en jours de telle façon qu’elle corresponde remarquablement aux intervalles d’une table d’éclipses, chaque groupe se terminant sur une date possible d’éclipse de Soleil.
Les Incas
Les Incas utilisaient un calendier luni-solaire de 365 jours, répartis en 12 mois de 30 jours, et avec 5 jours intercalaires.
Les Amérindiens de l’Amérique du Nord
Nous avons des preuves que les Amérindiens de l’Amérique du Nord effectuaient des observations de la Lune. En effet, on a retrouvé plusieurs représentations de la Lune accompagné d’une étoile sur les parois rocheuses du Grand Bassin oet de la Californie. On a d’abord pensé qu’il s’agissait d’une représentation de la supernova du Crabe, de 1054, mais aujourd’hui, on pense plutôt qu’il s’agit de pictographes symbolisant les conjonctions de la Lune et de Vénus.
Les alignements du Chaco Canyon, au nord-ouest du Nouveau-Mexique semblent confirmer des observations des solstices, des points cardinaux ainsi que des limites nord et sud des levers de la Lune.
Certaines «roues de médecine» (medicine wheels) contenaient des orientations des variations maximales et minimales des levers et couchers de la Lune. Certains commentateur pensent également qu’ils pouvaient prédire les éclipses de Lune vers l’an 1000 de notre ère.
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